Par Abdeljelil Messaoudi
Fait rarissime: sa sainteté le pape François a adressé un message au peuple tunisien lors de son homélie au monde à l’occasion des fêtes de Pâques, hier dimanche à Rome. Il a exhorté nos jeunes à garder espoir face aux difficultés économiques et sociales.
Délicate attention papale qui nous touche, mais qui nous met dans un tel embarras.
Comment réagir, que répondre au Pape?
Remercier sa sainteté et admettre entre nous que nous sommes tombés si bas que même le pape s’en trouve ému et ne peut se retenir de prier pour nous?
Ou alors rejeter ses propos incongrus en bloc en recourant au discours complotiste en cours et en dénonçant une énième immixtion dans nos affaires internes de pays libre et souverain? Car ne l’oublions pas: le vieux pape n’est pas que la première autorité morale chrétienne, il est aussi chef d’un Etat, le Vatican.
D’aucuns, et pas des moindres, se sont par le passé moqués de ce micro-État pas plus vaste que Bab Souika et dont la population dépasse à peine les 800 âmes. Le plus illustre de ces moqueurs fut Staline, le Petit père du peuple soviétique qui, en 1945, lança au Premier ministre britannique Winston Churchill qui lui conseillait de s’allier au pape: « le Vatican combien de divisions? ».
Staline mourra en 1953, loin sans doute d’imaginer que 38 ans plus tard, soit un peu plus que l’âge d’une génération, l’empire soviétique imploserait, et qu’un pape venu d’un pays communiste, la Pologne, allait avoir une part active dans cette implosion.
En 1987, Karol Josef Wojtyla, alias Jean Paul II appelait, en effet dans son discours d’intronisation, sur la place Saint-Pierre au Vatican, à l’ouverture des frontières, des États, des systèmes politiques et économiques, des domaines de la culture, du développement et de la civilisation. Il termina avec cette phrase prêtée au Christ: »n’ayez pas peur » qui fit florès et dont tout le monde comprit alors la portée politique en pleine guerre froide.
Le reste, l’Histoire s’en chargea pour montrer que si le Vatican n’avait pas de divisions, il n’en avait pas moins de pouvoir d’influence à portée universelle.
Y a-t-il un rapprochement à faire entre le « n’ayez pas peur » prononcé par Jean-Paul II en 1978, et le « gardez espoir » qu’adresse aujourd’hui à nos jeunes le Pape François?
Il est en tous cas évident que le Pape François, dépassant ici son seul statut de Chef du Saint-Siège, et fort de son titre de partenaire du dialogue religieux instauré depuis 2019 à Abou Dhabi et concrétisé, en février dernier, par l’inauguration de la Maison de la famille abrahamique, se sent désormais investi de la mission de s’exprimer sur les questions qui touchent à cet espace méditerranéen, berceau des trois grandes religions, et dont notre Tunisie fait partie.
Il s’est donc exprimé et son propos n’est pas que religieux. Il est même essentiellement et sciemment politique.
Les conseillers du Président Saied seraient inspirés de ne pas en négliger l’impact sur l’image et réputation de notre pays. Tout autant qu’ils seraient inspirés d’éviter de réagir par des invectives ou des insultes. Nous avons déjà bien affaire avec l’histoire des subsahariens.
RépondreTransférer |