Le 8 février 1958, reste une date incontournable dans l’histoire commune des deux peuples Tunisien et Algérien, voire fondatrice malgré les vicissitudes politiques et économiques dans la région.
Ce jour là 11 bombardiers B-26, 6 chasseurs bombardiers Corsair et 8 chasseurs Mistral mitraillent puis bombardent la paisible bourgade de Sakiet Sidi Youssef située à la frontière tuniso-algerienne , à quelques trente kilomètres de la Ville du Kef, chef-lieu du gouvernorat. C’est samedi, jour de marché et d’école dans Sakiet. La place grouille de monde. Cette sauvage expédition en territoire indépendant laisse 72 morts dont une dizaine d’écoliers et fait 148 blessés. La France coloniale, voulant ainsi punir la Tunisie pour son appui à la lutte pour la libération algérienne, commet là l’un de ses crimes les plus innommables. Elle scelle, cependant, à jamais, la fraternité du sang mêlé entre Tunisiens et Algériens.
Sans doute que l’on ne manquera pas, cette année non plus, de célébrer ce mémorable événement, que l’on déposera des gerbes de fleurs au pied du mémorial érigé à la mémoire des martyrs à l’entrée de la ville, et que des officiels des deux pays prononceront les discours d’usage, si bien sûr le protocole sanitaire le permet. C’est un cérémonial connu, rodé, immuable presque.
Et puis?
En fait, après avoir été pendant des années le témoin de communauté du destin entre les deux peuples, le 8 février1958 est devenu la preuve édifiante de l’échec de la politique de coopération entre les deux pays frères et voisins. Plus de 50 ans, depuis l’accession de l’Algérie à son indépendance en 1962, le constat est affligeant. Les régions frontalières sont parmi les plus pauvres que ce soit du côté tunisien ou en algérien. Ce ne sont pourtant pas les potentialités qui manquent. Terres agricoles riches de part et d’autres de la frontière, et comptant une jeune population rompue aux exigences du travail industriel grâce aux anciennes traditions minières, la région aurait pu connaître un développement exemplaire méritant des lourds sacrifices consentis par les aînés. Elle aurait pu être un moteur à la fois réel et symbolique de la coopération économique entre les deux pays, et plus globalement de toute la région, réalisant ainsi le rêve de plusieurs générations de maghrébins.
Hélas, la coopération inter-maghrébine est parmi les plus faible au monde. Celle entre la Tunisie et l’Algérie dépasse à peine le chiffre de 5% du total des échanges économiques de notre pays.
Que de projets pourtant annoncés, applaudis…oubliés.
Morts pour rien ou pour si peu ces hommes et enfants Tunisiens et Algériens, ce 8 février 1958?