Le 26 mai dernier, le Président du Bloc Qalb Tounes , Oussema Khlifi, annonçait dans un communiqué le « projet d’internationaliser l’affaire » de la détention du Président Nabil Karoui, écroué pour «corruption financière» et ce, après un énième rejet de sa libération sous caution, définitivement confirmé le 2 Juin 2021.
Selon Khlifi, la Justice aurait dépassé le délai de détention préventive à l’égard de Karoui, ce qui correspondrait donc à une « volonté politique » du Président de la République et faisant de Karoui, de ce fait, un « prisonnier politique ».
Des mots qui font écho, dans un pays où tous les réfractaires aux pouvoirs autoritaires précédents avaient fini au bagne, détruisant des familles, des destins, des esprits…
Autre époque, autre régime, mais autres façons de faire ?
Si nous nous référons à l’ONG, Amnesty International, un prisonnier politique est « est une personne qui n’a eu recours ni à la violence ni prôné son usage mais qui s’est fait emprisonner en raison de ses caractéristiques (orientation sexuelle, origine ethnique, nationale ou sociale, langue, couleur de peau, sexe ou situation économique) ou de ses convictions (religieuses, politiques ou autres). »
« La corruption financière est une violence » me direz-vous, évidemment, mais pas sans preuves ni procès. De plus si le Juge d’instruction assure que cet emprisonnement est légal, le bureau politique de Qalb Tounes souligne l’article 85 du code de procédure pénale, qui fixe la période de détention préventive à six mois soit 180 jours, précise qu’elle ne peut être prolongée que si elle est renouvelée dans les délais légaux ce qui n’a pas été le cas dans l’affaire de Nabil Karoui qui dépasse actuellement les deux cents jours de prisons sans compter les deux mois d’incarcération en 2019. La question d’un emprisonnement politique devient, dès lors, légitime.
En effet, les derniers événements de l’actualité politique accréditent cette hypothèse. Rappelons que notre pays est au bord de la faillite non plus pour des raisons économiques mais pour des raisons d’ego, notamment, celui du Président de la République, qui persiste et signe dans son entêtement à ne pas légitimer le gouvernement pour en éjecter son chef, pas assez docile.
Par ailleurs, le dossier « dictature constitutionnelle » posté par Middle East Eye en mai dernier, et dont ni la véracité ni la fausseté n’ont été prouvées, ne rassure pas sur les ambitions autoritaires de Kais Saied.
Sans compter, de façon plus anecdotique, son goût prononcé pour la dramaturgie de sa fonction, langage inintelligible, lettre manuscrite porté par un émissaire (à cheval ?), cérémonies pompeuses…
Or, Nabil Karoui reste « l’adversaire » de la campagne présidentielle, son parti, Qalb Tounes, la deuxième force politique du pays, Nessma sa chaîne de télévision, une tribune rêvée pour n’importe quel homme aux ambitions politiques-tout ce que Saied n’a pas- … En bref, trop d’influence, trop de pouvoir pour un seul homme, autre que le président lui-même ?
Kais Saied, qui pour l’instant, fait la sourde oreille, risque d’être rattrapé par les menaces de grève de la faim de Nabil Karoui. Si celui-ci s’affame, il passera d’un statut de « coupable présumé » à « prisonnier politique » ce qui pourrait éveiller de mauvais souvenirs chez certains cadres d’Ennahdha , qui ont déjà pris position en faveur de Karoui, mais comme aussi chez des figures telles que Radhia Nasraoui, Taoufik Ben Brick… Sans compter l’opinion Internationale, ce qui pourrait mettre un terme à l’ambition super-présidentielle du seul interprète de la constitution.
Alors, un conseil de citoyenne à Président : Il faut entendre « ce que le peuple veut» et plus de transparence !