Si la possibilité se présentait maintenant, je n’hésiterais pas un instant: je choisirais Ons Jabeur pour la présidence.
N’est-elle pas déjà présidente de nos cœurs, puisque « ministre du bonheur »?
Résumons:
Ons nous rend fiers en s’en allant croiser le fer avec les plus grands de ce monde dans un sport, qui plus est, considéré, jusqu’à récemment encore , comme élitiste et réservé aux enfants des classes huppées des pays développés. Certes, elle n’a pas gagné la finale de Wimbledon, mais elle a remporté suffisamment de victoires cette saison et est arrivée, à force de volonté, d’acharnement et de persévérance à se hisser au sommet du tennis mondial féminin.
Ons nous donne de la joie. C’est si bon la joie, et c’est si précieux en ces temps d’une crise jamais vue en Tunisie et qui semble s’éterniser et se complexifier. Qu’elles gagne-de plus en plus- ou qu’elle perde- de temps en temps-, Ons nous donne le sourire.Un sourire encore un peu timide, mais franchement beau et rempli de naturel et d’assurance. Par ce sourire des dieux des stades elle nous revivifie et nous arrache, ne serait-ce que pour un petit un moment, à notre triste réalité nationale pour nous élever et nous rendre plus aériens. Baudelaire disait que le sourire et le propre de Dieu, car ajoute-il, les démons sont incapables de sourire.
Ons nous projette dans l’avenir dont elle détient les clés du langage et de l’image. C’est une citoyenne du monde qui passe les frontières sans encombres pour aller tutoyer le gotha du sport et du cinéma. Que ce soit dans la langue de Shakespeare ou celle de Voltaire, elle est à l’aise. Déjà, l’un de ses ancêtres, l’illustre Jugurtha, encourageant ses compatriotes à apprendre la langue d’autrui disait que « l’homme vaut autant d’hommes qu’il en parle de langues ». Mais c’est dans son arabe maternel qu’elle réserve son salut à ses compatriotes dotés eux aussi du don de l’ubiquité pour la suivre dans tous ses déplacements dans les capitales du monde. Ons préfigure incontestablement de cette Tunisie à venir sans peur, sans complexes et sans a priori et qui réussit et gagne.
Oui mais.
Il y a eu, nous dirait-on, d’autres champions avant Ons qui, comme elle, ont habité l’éclat de la gloire mondiale. Où sont-ils, et surtout, qu’en reste-il?
Souvenez-vous du coureur Mohamed Gammoudi sorti comme du rien pour aller, tel un bon vent, porter nos couleurs nationales sur les toits du monde. De ce requin des piscines olympiques et croqueur des médailles, Oussama Mellouli. De cette gazelle des pistes, gracieuse et inarrêtable, Habiba Ghribi. Et on en passe, et on en oublie.
C’est notre problème éternel. On vit au jour le jour, sans vision, sans planification, sans continuité. On ne bâtit pas sur nos succès. On ne cherche pas à transformer les performances de nos champions en exemples à suivre et à perpétuer.
Il n’y a pas eu de Gammoudi après Gammoudi. Ni de Ghribi après Ghribi. Ni de Mellouli après Mellouli. Et il est à craindre qu’après Ons il n’y aura plus d’autres Ons.
C’est pourquoi il est du devoir de l’État autant que de celui de notre championne de penser dès maintenant à investir sans tarder dans la formation des futurs champions. C’est à cette Tunisie de demain qu’il faut penser pour que le succès continue. Et la joie aussi.
Ons serait alors présidente à vie. Et même au-delà.