Décrypter les propos du président ou ses intentions n’est pas chose facile. On pourrait même se demander si les journalistes politiques sont les mieux placés pour en rendre compte. Ne faudrait-il pas confier cette tâche aux critiques de théâtre ou à des psychologues, voire des psychiatres ?
Hiératique, sibyllin, Kais Saïed semble en permanence ailleurs, poursuivre un rêve sur sa propre scène, être un opni, objet politique non identifié. On pourrait dresser une longue liste de propos mystérieux ou de décisions étranges. Comme cette affirmation qu’1,8 million de Tunisiens lui ont manifesté leur soutien ; comme ses déclarations sur « un plan criminel » devant le tunnel de la résidence de l’ambassadeur de France qui n’était qu’un trou d’1,50 mètre qui ne méritait pas une tirade sur la sécurité menacée par au moins un « extrémiste ». Un nouveau « péril imminent » qu’il voit un peu partout.
Mais si la Tunisie n’a pas, dit-il, de « missiles intercontinentaux », elle dispose de « missiles souverainistes ». L’un d’eux est lancé contre Moncef Marzouki qui ose le critiquer, le qualifier de « putschiste » et « dictateur ». Certes, l’ancien président est coupable d’avoir œuvré contre son pays, mais il a le droit de parler, de s’opposer. S’il faut le juger, ce n’est pas pour cela.
Mais Kais Saïed ne supporte pas la critique. Par nature, il a raison. Même si ses projets semblent étranges : que signifie ce « véritable dialogue national » qu’il propose aux jeunes et à tout le peuple à partir de plateformes de communication virtuelle ?
Avant de recueillir son avis, le président, sa dernière trouvaille de génie, demande à ce peuple qui doit le guider, de l’aider financièrement : « J’appelle les Tunisiens, en Tunisie et à l’étranger, à trouver les fonds nécessaires » pour sortir de la crise.
Dans quelle Tunisie vit Kais Saïed. Pas celle qui voit les diplômés sans travail manifester, les chômeurs devenir plus nombreux, le coût de la vie augmenter au rythme d’une inflation mensuelle dépassant les 6% ni celle qui souffre d’une criminalité en hausse constante.
Il faut descendre de la scène, ouvrir les yeux.