Il y a surtout Alexei Navalny aujourd’hui entre la Russie et l’Union européenne, mais la Syrie, la Libye, l’Ukraine, la Turquie… constituent aussi des points de friction entre Moscou et Bruxelles et, avec les condamnations de l’opposant russe, la situation ne cesse de se dégrader. Le Kremlin, qui nie formellement être mêlé à l’empoisonnement du « patient » de Berlin, a, au début du mois, snobé et même humilié le haut représentant de l’UE Josep Borrel en visite à Moscou, en expulsant, sans le prévenir, trois diplomates, allemand, polonais et suédois. Trois jours plus tard, le 8 février, Berlin, Varsovie et Stockholm rendaient la pareille… Le Kremlin dénonçait une mesure « infondée » et « inamicale ». Josep Borrell demandait aux 27 de « tirer les conséquences et de prendre des sanctions ». Il se justifiait: « Ils sont impitoyables (…) La structure actuelle du pouvoir en Russie, qui combine des intérêts économiques particuliers, un contrôle militaire et politique, ne laisse aucune ouverture à l’État de droit démocratique ». Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, l’UE renouvelle chaque année des mesures touchant l’industrie du pétrole, la banque et la défense sans parvenir à faire fléchir Moscou.
Mardi, les 27 décidaient, dans le cadre d’un nouvel outil, le régime de sanctions liées aux droits de l’homme, de punir quatre hauts fonctionnaires qui n’auront plus le droit de venir dans l’UE et verront leurs avoirs gelés s’ils en ont. Six proches de Poutine sont déjà ainsi punis. Une telle « sévérité » a déçu les amis de Navalny qui espéraient une riposte plus musclée… Dix jours plus tôt, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait prévenu les Européens que Moscou était prête à rompre ses liens avec l’UE « au cas où de nouvelles sanctions sont imposées à certains secteurs, qui créent des risques pour notre économie, y compris dans les sphères les plus sensibles. Nous ne voulons pas nous isoler de la scène mondiale, mais nous devons être prêts pour cela. Si vous voulez la paix, alors préparez-vous à la guerre ».
On ne peut pas dire que l’avertissement ait porté, mais plutôt que les 27 sont divisés. Si l’unanimité se fait autour de la condamnation de l’empoisonnement de Navalny, chaque pays entend rester maître de sa politique étrangère. La Grèce, la Bulgarie et Chypre sont plus proches de la Russie, la Pologne et les Etats Baltes plus opposés, mais plus proches et dépendant du gaz russez, la Finlande et la Suède redoutent les sous marins qui croisent dane leurs eaux territoriales, la France aimerait arriver à réinitialiser les relations par le dialogue, l’Allemagne veut punir sans toutefois toucher à Nord Stream 2 qui serait le meilleur moyen de pression mais sans ce gaz russe, l’économie allemande souffrirait trop. Insupportable pour Berlin… L’Autriche, prudente et réaliste, ne veut pas « scier la branche sur laquelle nous sommes assis… Marquer les limites là où c’est nécessaire, mais dialoguer si c’est possible […]. La Russie est une réalité dans notre voisinage dont nous ne pouvons pas nous éloigner, et à laquelle nous devons faire face ».
Seul maître à bord, Vladimir Poutine n’a pas les mêmes soucis d’unité et, en butte à la contestation, il ne connaît que la force. Il vient, une nouvelle fois, de hausser le ton. Hier, il a appelé le FSB, le successeur du KGB, à faire face à la politique occidentale d’ « endiguement » qui cherche à « enchaîner la Russie, à perturber notre développement, à la ralentir » pour « au final affaiblir la Russie et la contrôler de l’extérieur ». Bien sûr, l’occident, ce sont les 27 et les Etats-Unis.