Un ministre en prison, un président de parti politique aux arrêts, et un magistrat limogé.C’est du jamais vu et c’est pourtant une vérité vraie dans la Tunisie d’aujourd’hui.Qui l’eût imaginé, il y a seulement dix ans?
Oui, mais il y a dix ans naissait la Révolution.
Cette Révolution a certes libéré les esprits et permis au peuple de réaliser son rêve le plus cher: sa liberté d’expression. C’est grâce à cette liberté que le Tunisien fait valoir son droit à participer aux affaires de son pays. Outre la participation directe à la vie politique à travers les élections où il peut élire et se faire élire , il donne son opinion, dit son avis, exprime sa conviction toujours aussi librement et à égalité avec ses autres concitoyens. Cette liberté de parole et de presse , sans doute la plus belle réalisation de la Révolution-et sa seule seule réussite à ce jour- parait sérieusement menacée. Non pas par un quelconque retournement politique, mais par son mauvais exercice, par l’outrance, l’intempérance, l’abus. Oui, une liberté d’expression qui cède au sensationnel et au « fake news »devient inéluctablement mauvaise, contre productive et finit par se tuer elle-même. En démocratie la raison doit toujours gouverner. Elle ne doit jamais se laisser doubler par l’émotion. Or, partout, l’émotion, alimentée par l’expression d’une haine incompréhensible, l’emporte sur la sérénité nécessaire à toute échange d’idées, à tout véritable débat, à la démocratie, tout simplement. Ainsi, à cause de cette émotion, on n’est plus dans la réflexion, mais dans la réaction. Continuellement. On réagit à tous crins, on réagit à tout et à tous avec une passion qui laisse d’autant moins de de place à la compréhension mutuelle-et à la compréhension tout court-qu’elle s’exprime avec brutalité et violence. Regardez ce qui arrive à Nabil Karoui ex- candidat à l’élection présidentielle. Il est soupçonné dans une affaire de blanchiment d’argent pour laquelle il a déjà été arrêté puis relaxé. Eh bien! L’homme est déjà condamné par une opinion publique surexcitée bien avant même de connaître les circonstances de l’affaire, ses tenants et aboutissants. C’est à un lynchage médiatique en bonne et due forme auquel il a eu droit aussitôt la nouvelle de son arrestation rendue publique. Jugé dans les tribunaux des réseaux sociaux, il a été condamné. Anonymement. Sans appel Et pourtant. En démocratie, seule la vérité judiciaire compte parce qu’elle est soumise à un débat contradictoire devant les juges et repose sur les preuves.
Dure apprentissage que celui de la liberté!