Par Abdeljelil Messaoudi
Bien sûr que le taux de participation aux élections est important. Ça l’est d’autant plus dans notre pays aujourd’hui pour au moins trois raisons supplémentaires.
La première, d’ordre culturel, tient de la conception unanimiste de l’acte du vote qui, pendant longtemps, était considéré comme un serment de plébiscite que donne » le généreux peuple »الشعب الكريم au president-souverain.
La seconde est que ces élections revêtent un caractère exceptionnel dans la mesure où elles viennent sanctionner un processus, celui du 25 juillet, qui a mis fin au système politique issu de la Révolution du 14 janvier 2011, par la mise en place des structures propres à garantir un nouveau système politique présidentialiste. Les élections législatives anticipées devraient constituer le point d’orgue de ce changement entamé par la dissolution de l’ancien parlement et du gouvernement, et l’organisation d’un référendum sur une nouvelle constitution remplaçant celle de 2014.
La troisième raison est que ces législatives anticipées étaient censées « rendre la souveraineté au peuple » dont il a été spolié selon la phraséologie saïdienne durant la décennie écoulée, et le taux de participation à cette consultation devait sceller cet accord historique entre le Président et son peuple.
Résultat: le taux de participation se stabilisant autour de 11% du corps électoral, le plus faible de l’histoire de la République tunisienne, pose problème. Non pas uniquement concernant le processus du 25 juillet dans son ensemble, et dont ces élections anticipées devaient consolider l’assise populaire, mais aussi le futur Parlement dont la crédibilité est déjà portée au doute, et ses membres en défaut de crédibilité par manque d’adhésion populaire flagrante. Et c’est le processus démocratique dans son ensemble qui s’en trouve aujourd’hui menacé par cette cette bouderie des électeurs.
Et la question qui s’impose: que va faire Kais Saied maintenant?
La réponse semble évidente. Le président va poursuivre son chemin, continuer à gouverner en Président omnipotent, avec un gouvernement inaudible et invisible et, bientôt, un Parlement sans la faveur populaire.
En théorie, tout va bien.
En réalité, rien ne va.
Les chiffres étant têtus, ceux de ces législatives anticipées sont un échec cuisant. Elles approfondissent les divisions au sein de la société nationale, accentuent la fragmentation du paysage politique, et ajoutent à la confusion ambiante une nouvelle confusion.
Par ailleurs, dans un pays qui n’a jamais eu autant besoin de l’appui et l’accompagnement de ses partenaires et, disons le franchement, de l’aide, il serait malaisé de « vendre » de telles élections.
Que faire?
Revenir aux fondamentaux de la politique dans les situations de crise: s’asseoir ensemble, discuter, s’entendre.
La proposition de l’Ugtt reste finalement une solution possible. Mais le temps presse.