Un de plus : le jour de Noël, le câble électrique sous-marin reliant l’Estonie à la Finlande a été saboté. Il faudra sept mois de réparations pour qu’il puisse à nouveau acheminer de l’électricité. Le coupable est un pétrolier russe, l’Eagle S, battant pavillon des îles Cook qui laissait traîner son ancre. Il a été arraisonné par la marine finlandaise.
Ces dernières semaines, quatre câbles ont été endommagés, une pratique observée depuis le début de la guerre en Ukraine. La Baltique est aujourd’hui sous tension, en état d’alerte et l’Otan, qui y entretient une flotte permanente de six bâtiments, va renforcer sa présence. L’Estonie organise des patrouilles de surveillance.
« Nous ne pouvons pas simplement rester assis à regarder ce qui se passe, et nous ne le ferons pas », a déclaré le Premier ministre finlandais, Petteri Orpo. Le ministre de la Défense estonien Hanno Pevkur entend « envoyer immédiatement un message clair pour dire que nous sommes prêts à défendre les connexions entre l’Estonie et la Finlande, même avec des moyens militaires ».
Tous les pays du G7, l’UE et l’Australie sont mobilisés. Contre qui ? Contre la « flotte fantôme » russe qui contourne les sanctions imposées à Moscou. La Russie utilise quelque 600 pétroliers vétustes pour exporter son pétrole en échappant au prix plafond (60 dollars le baril) fixé depuis décembre 2022 par cette coalition de pays occidentaux. Ils naviguent sans assurance, coupent souvent leurs transpondeurs pour échapper à la surveillance et rapportent des milliards de dollars à Poutine pour poursuivre sa guerre. 4,1 millions de barils sont ainsi transportés par jour, 70% des exportations maritimes russes sont effectuées par cette flotte hors d’âge. Tellement délabrée que deux pétroliers viennent de se casser près du détroit de Kertch provoquant une marée noire en Crimée où le Kremlin évoque une situation « vraiment critique ».
Ces bateaux, « bombes à retardement écologiques » dont on ne connaît pas les propriétaires et qui changent de pavillon ont aussi des activités de sabotage et de renseignement. Et c’est là qu’entre en jeu le GUGI -Direction principale de l’état-major général pour la recherche en haute mer- une unité très secrète créée en 1963 et dirigée par Vladimir Grishechkin. Elle dispose de navires de surface, de sous-marins et de drones navals pour cartographier les fonds marins et, s’il le faut, saboter les infrastructures sous-marines.
Les pays occidentaux surveillent et ont déjà pris des sanctions en interdisant notamment l’accès à leurs ports à des dizaines de navires. Mais ce n’est pas suffisant pour venir à bout de cette flotte fantôme russe. Qui n’est pas seule, l’Iran et le Venezuela en possèdent également.
Dans plusieurs capitales européennes, on redoute que la situation en Baltique ne dégénère. Cette bataille qui y est livrée fait partie de la guerre hybride menée depuis des années par Moscou et trop longtemps minimisée par l’Occident. Cyberattaques, piratages, sabotages, désinformation sont autant de moyens utilisés par Poutine pour servir son but : déstabiliser l’Union européenne. Deux exemples : en Roumanie, en raison d’un rôle « massif » de TikTok dans la campagne, avec la Russie dans le viseur, le candidat nationaliste Călin Georgescu est arrivé en tête au premier tour de la présidentielle du 24 novembre. La Cour constitutionnelle a annulé les résultats ; en Géorgie, des élections peu régulières aboutissent au contrôle du pays par Moscou, contesté dans la rue.