« Personne n’y comprend rien » affirmait Nicolas Sarkozy à propos de cette affaire de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Devant les juges et jusqu’en avril, l’ancien président devra en dire plus, s’expliquer sur l’argent libyen qui a été versé à des proches. Déjà condamné en appel ,en février dernier, à un an de prison dont six mois avec sursis pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012 -une affaire de fausses factures-, l’ancien président est-il un homme intègre accusé à tort ou un spécialiste de la fraude ?
On ne peut croire que Sarkozy est un imbécile qui laisse des traces, qui ne sait pas, puis se retourne contre ses proches. S’il est coupable, il est évident qu’il a pris des précautions pour qu’il n’y ait aucune preuve.
Dans le procès qui s’est ouvert cet après-midi, Nicolas Sarkozy est accusé de « recel de détournement de fonds publics, corruption passive, financement illégal de campagne électorale et association de malfaiteurs en vue de commettre une infraction ». Il encourt jusqu’à 10 ans de prison.
L’enquête a été ouverte en 2013 et les juges disposent d’un rapport de 577 pages qui regroupe 4800 pièces de procédures. « Un « faisceau d’indices, de présomptions graves, précises et concordantes », mais pas de preuve « irréfutable ». Ce matin, Jean-François Bohnert, procureur du parquet national financier, a cependant soutenu que « nous avons aujourd’hui au dossier la preuve qu’un montant total de six millions d’euros sont partis des fonds publics libyens et sont arrivés en France par le canal des intermédiaires. ». Combien au total ? On ne sait pas.
L’accusation estime que le « pacte de corruption » s’est noué à l’automne 2005 à Tripoli, sous la tente de Mouammar Kadhafi, connu pour être très généreux avec ses visiteurs étrangers. En mars 2011, alors que le dictateur libyen faisait face à une révolte populaire soutenue par la France, ses proches ont menacé de révéler un « grave secret » sur le financement de la campagne de Sarkozy de 2007. Rien ne se passe, une vengeance…
Puis, quelques jours avant le premier tour, Mediapart publie une note du 10 décembre 2006, signée de la main de Moussa Koussa, le chef des services de sécurité et du renseignement extérieur, évoquant un accord de principe du régime libyen pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, à hauteur de 50 millions d’euros. Quand le président apprend la nouvelle « il appar[aît] livide, les yeux perdus dans le vide. Hagard », notent des journalistes qui suivent sa campagne. Il dénonce une « infamie », portée par une « officine au service de la gauche » et porte plainte mais , la justice française estime qu’il ne s’agit pas d’un faux document, sans toutefois se prononcer sur le fond.
Bien d’autres péripéties et rebondissements seront au cœur de ce procès comme les revirements de Ziad Takieddine, la mort étrange de Choukri Ghanem, ancien ministre du pétrole, retrouvé dans le Danube au lendemain de la publication de la note par Médiapart, le rôle de l’intermédiaire de l’ombre Alexandre Djouhri, les contreparties exigées par Kadhafi ou les voyages et valises de billets portés par des ministres ou amis de Sarkozy…
L’ancien président a toujours affirmé qu’il s’agissait d’une « fable », d’un « complot » et son avocat, Me Christophe Ingrain assure que « pour masquer le vide abyssal du dossier, il a été tardivement fabriqué une accusation d’association de malfaiteurs au sein de laquelle l’unique rôle reproché à monsieur Nicolas Sarkozy aurait été de laisser faire ».
Jusqu’au 10 avril, les débats seront animés.