7,3 millions de Sénégalais sont appelés ce dimanche aux urnes pour élire leur président de la République dans un climat pas totalement apaisé en raison des atermoiements et manœuvres du sortant, Macky Sall qui a tenté de reporter le vote en décembre et dont la fin de mandat a été écornée par des arrestations et condamnations d’opposants dont Ousmane Sonko et son candidat Bassirou Diomaye Faye, ce qui a provoqué des émeutes meurtrières.
A la présidence depuis 2012 de ce pays qui n’a jamais connu de coup d’Etat et qui brillait par la force de sa démocratie dans une Afrique de l’Ouest peu stable, Macky Sall a joué la carte de la modernité avec son Plan “Sénégal émergent” qui devait aboutir à l’émergence vers 2035. Le pays s’est transformé avec des infrastructures modernes, des progrès sociaux ont été réalisés, mais la dette s’est beaucoup alourdie (76% du PIB) et les retombées ont profité surtout à la région de Dakar au détriment de la population rurale (53%). Le chômage frappe 20% des Sénégalais et surtout 30% de la jeunesse- 60% de la population a moins de 24 ans.
Dans les rues sénégalaises, on entend, à la veille de cette présidentielle incertaine, ces mots répétés : « on veut du travail et de l’argent ». Le choix est simple à entendre pour les candidats et électeurs : la continuité ou la rupture, la stabilité ou le changement.
Amadou Ba, Premier ministre et candidat de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY), 62 ans, n’est pas un proche de Macky Sall, mais un grand serviteur de l’Etat, réputé compétent qui, cependant, ne fait pas l’unanimité. Voter pour lui, dit-il, c’est voter pour la sérénité et l’expérience, pour la poursuite du Plan Sénégal Emergent. Il promet de faire « encore plus, encore mieux, encore plus vite », de créer « 1 million d’emplois sur cinq ans ». En 2022, seulement 10 000 ont vu le jour.
Face à lui, Bassirou Diomaye Faye, qui remplace Ousmane Sonko déclaré inéligible, incarne la rupture, le changement de système, le souverainisme et un “panafricanisme de gauche” . Le candidat du Pastef -Parti des Africains pour le travail, l’éthique et la fraternité- entend « créer des emplois pour éviter que les jeunes ne prennent la mer pour quitter la pauvreté ». Avec Sonko, il prône également la sortie du franc CFA, la lutte contre la corruption et contre la mainmise des entreprises étrangères, surtout françaises -22 000 expatriés français vivent au Sénégal. Toutefois, l’an dernier, Ousmane Sonko aurait tenu des propos nettement plus modérés à un émissaire du président Macron. Pas de rupture annoncée avec Paris, même si Diomaye Faye se déclare ouvert à une coopération avec tous les pays, dont la Russie.
La jeunesse avide de changement, de révolution, se range résolument derrière le candidat du Pastef, mais il y a un hic : si la moitié des 18 millions de Sénégalais a moins de 19 ans, à peine 1% des inscrits a entre 18 et 20ans, 13% moins de 35 ans, 29% entre 36 et 40 et 57% plus de 41 ans.
Amadou Ba et Diomaye Faye qui ambitionnent de réconcilier les Sénégalais, pensent gagner dès le premier tour. Les militants du Pastef craignent des fraudes, des bourrages d’urnes et les deux camps redoutent des manifestations violentes dès la proclamation des premières tendances, tard dimanche soir, voire lundi ou même mardi. 1000 observateurs de la société civile seront dans les bureaux de vote.Quinze autres candidats sont en lice dont le doyen Khalifa Fall, 68 ans, ancien maire de Dakar et Idrissa Seck, ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade et déjà trois fois candidat. Deux hommes qui pourraient surprendre.
Une seule femme se présente, Anta Babacar Ngom, 40 ans. Elle est un des visages féminins du patronat sénégalais et occupe le poste de directrice générale de Sedima Group, un consortium d’entreprises spécialisées entre autres dans le BTP et l’immobilier. Une entreprise fondée par son père en 1976 et avicole au départ.