Les précédentes résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur un arrêt du conflit au Soudan, toutes restées sans effet, avaient été adoptées avec l’abstention de la Russie. Cette fois, ce lundi, elle a opposé son veto à un texte préparé par la Grande Bretagne et la Sierra Leone appelant « à cesser immédiatement les hostilités et à s’engager de bonne foi dans un dialogue pour permettre des étapes vers une désescalade ».
L’ambassadeur russe adjoint à l’Onu, Dmitry Poliansky, a donné une justification floue et confuse : « Nous sommes d’accord avec tous nos collègues du Conseil de sécurité pour dire que le conflit au Soudan doit être résolu rapidement. Il est également clair que le seul moyen d’y parvenir est que les belligérants acceptent un cessez-le-feu ». Mais il a dénoncé un texte « au parfum colonial », affirmé que la Grande Bretagne avait empêché « toute mention des autorités légitimes du Soudan » et accusé les pays soutenant la résolution d’appliquer des « doubles standards », citant la « carte blanche » donnée selon lui à Israël pour poursuivre les hostilités au Liban et dans la bande de Gaza. Pas convaincant quand on sait l’extrême gravité de la situation, morts, viols, famine… Les chiffres des victimes sont revus à la hausse, peut-être 150 000 tués depuis le début de la guerre en avril 2023.
« Le veto russe est une honte et montre une fois de plus le vrai visage de la Russie. Poutine devrait avoir honte des faire semblant d’être partenaires des pays du Sud alors qu’il condamne les Africains à plus de tueries, de viols et de famine avec cette guerre brutale », s’est indigné le ministre britannique des Affaires étrangère David Lamy. « Inadmissible que la Russie s’oppose à des mesures pour sauver des vies », a renchéri l’ambassadrice américaine, Linda Thomas Greenfield.
Pourquoi Moscou a-t-il mis son veto alors que son but est de stopper le conflit ? La raison est déjà ancienne et date d’avant ce désastre qui oppose deux ex-alliés, les généraux Buhrane, président de facto du pays et Hamdane Daglo, surnommé Hemedti, patron des Forces de soutien rapide. Cette raison, c’est la volonté de Poutine d’un retour géopolitique en Afrique. Dès 2017, il avait évoqué avec le dictateur de Khartoum, le général Omar el Béchir, renversé par un coup d’Etat en 2019, l’installation d’une base navale à Port-Soudan qui lui assurerait, face à l’Arabie Saoudite, une présence stratégique dans l’Océan indien et le Golfe d’Aden où passent 10% des marchandises commercialisées dans le monde. Des accords avaient été conclus ensuite, sans commencement de réalisation.Depuis le début du conflit, Moscou a pris langue avec les deux camps. La Russie soutenait plutôt les FSR, notamment par l’intermédiaire des Wagner qui, comme les Emirats, exploitent des mines d’or, et fournissent des armes. En visite à Moscou à la veille de l’intervention en Ukraine, Daglo confiait qu’il serait favorable à un accord en fonction de l’aide qu’il recevrait. Peu à peu, la Russie s’alignait sur Buhrane qui aurait promis à Poutine un « centre de support logistique » pour sa flotte avec la présence de 300 militaires et civils et jusqu’à quatre navires, y compris à propulsion nucléaire.
Au Soudan, en Ukraine et ailleurs, les morts ne comptent pas tant que Poutine obtient ce qu’il veut et qu’il peut exploiter les pays qu’il prétend aider…