« C’est totalement fou et c’était inconcevable il y a encore quelques mois » disait à la mi-avril un diplomate arabe. Mais l’Arabie saoudite et l’Iran venaient de se réconcilier sous les auspices chinoises et ce que souhaitait, le 19 mars, le président des Emirats, Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, devait alors possible : « La Syrie manque à ses frères depuis trop longtemps ». L’absence prend fin.
Après plus de onze ans d’isolement diplomatique et de guerre, la Syrie a effectué ce dimanche 7 mai son retour auprès des pays arabes avec sa réintégration au sein de la Ligue arabe.
Pourquoi ? Les raisons sont multiples et en grande partie « égoïstes » de la part de ses frères qui ont estimé que les avantages l’emportaient sur les inconvénients, le statu quo.
En réintégrant le pays d’Assad, les pays voisins espèrent peser sur ses orientations. Ils souhaitent le détacher de l’Iran qui l’arme et en a fait son protégé, sa base contre Israël et inspire sa politique. Pas évident, il faut composer avec la Russie.
Ils attendent des mesures efficaces pour mettre fin au trafic de captagon, la drogue bon marché qui les inondent. Pas évident, car la Syrie est devenue un narco-Etat. Un marché florissant aux mains des proches d’Assad qui génère au moins dix milliards de dollars par an.
Une Syrie en paix devra se relever de ses ruines et aura un énorme besoin de reconstruction. A l’initiative de la Jordanie, plusieurs pays « amis » ont promis des milliards en échange de discussions avec l’opposition. Pas évident non plus car Assad n’entend pas céder de son pouvoir et le « protecteur » émirati n’ apprécie guère la démocratie. Le régime est et restera autoritaire.
Autre avantage du retour et non des moindres, celui des réfugiés que ne supportent plus le Liban et la Jordanie. Tout comme la Turquie. Depuis le début de la guerre en mars 2011, environ 5,6 millions de Syriens ont fui leur pays et 7 millions sont des déplacés intérieurs. 90% vivent sous le seuil de pauvreté et 75% sont en insécurité alimentaire. Les conditions d’un retour sécurisé sont loin d’être réunies.
Les caisses sont vides, sauf celles du clan Assad qui s’est emparé de tous les leviers économiques et a fait main basse sur tout ce qui peut rapporter. Asma, l’épouse du président, s’est rappelé qu’elle était banquière, mais, comme le souligne Jeune Afrique, elle s’est muée en prédatrice. Un homme d’affaires témoigne : « Toute la Syrie est désormais entre les mains d’Asma ».
Le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe qui tiendra un sommet le 19 mai en Arabie Saoudite ne règle donc pas les problèmes des Syriens. Que vont devenir les « rebelles » d’Idlib ? Quels vont être les liens avec la Turquie qui vote le 14 ? Et les Kurdes ?
Beaucoup de réponses sont attendues…