En l’espace de 24 heures, deux hommes ont tenté de mettre fin à leurs jours, en s’immolant par le feu. Le premier, âgé de 25 ans, a commis son geste devant un commissariat à Sousse. Le second, âgé, lui de 48 ans, s’est immolé devant un hôpital de la Capitale, à Bab Saadoun.
Ces deux cas, ne devraient pas, nous semble -t-il, être traiter comme de simples « faits divers ». Pas en Tunisie, pas dans un aussi court laps de temps, pas quand il touche deux hommes dans la force de l’âge.
L’immolation par le feu, une spécificité tunisienne
Quand on pense suicide, de manière générale -sinon il faut consulter rapidement- on imagine, l’expression d’un malaise intime, qui peut trouver ses racines dans un cadre familial dysfonctionnel, au travail, au lycée et de plus en plus sur les réseaux sociaux… Et bien souvent mettre fin à ses jours, se fait dans la solitude. Seules exceptions notables et que l’on pourrait qualifier de « phénomène », celles qui sont les œuvres de djihadistes et celles des auteurs de tueries de masse aux Etats-Unis…
Mais également, hélas, de plus en plus, les immolés par le feu en Tunisie. En effet, depuis le début de l’année, trois hommes ont mis le feu à leur corps publiquement. Le premier jugé déséquilibré, et les deux derniers cas cités précédemment. Et depuis l’ « historique » première immolation, en 2011, on ne les compte plus. Et on ne les explique pas non plus.
Pourtant, celle de Bouazizi, avait du sens plus que de raison. Elle dénonçait une injustice sociale, sur laquelle le peuple tunisien, pour qui pourtant, le suicide est un sujet tabou, avait greffé sur son acte aussi bien ses suffocations que ses revendications. Et d’un fait tragique avait émergé la révolution du Jasmin.
Quatorze ans plus tard, cette violence que s’infligent certains de nos compatriotes, se poursuit. La question est, comment prévenir ce phénomène de l’immolation par le feu? Peut être en commençant à prendre en compte les particularités de ces suicides ou tentatives de suicides.
En premier, le feu, qui a pour caractéristique d’être spectaculaire. Nul ne saurait ignorer un homme dévoré par les flammes. S’ajoute au trait remarquable du feu, le fait que ces immolations se font en place publique. Des caractéristiques, qui combinées, indiquent que les raisons qui ont poussé la victime à une telle extrémité, ne relèvent pas de la sphère intime mais bien du fait public. Comme un appel à l’aide aux autorités.
D’ailleurs, pour les cas de Sousse et Bab Saadoun, les victimes se sont immolées devant deux représentations d’administration publique à savoir un commissariat et un hôpital. Or il est de notoriété publique que de nombreux citoyens souffrent d’un millefeuille administratif et d’un manque d’écoute de la part de l’administration publique. Pour endiguer les immolations par le feu qui prennent des proportions de phénomène, elle doivent faire l’objet d’un débat public, car tout indique que la solution ne peut être que politique et qu’il ne faudrait pas traiter les victimes comme des cas psychiatriques isolés.
L’urgence comme temps d’action
Il nous apparaît urgent, de prendre en compte ce « phénomène », pour une raison qui dépasse le drame humain de ces cas. En effet, à Sousse, quelques heures après l’incident, des jeunes ont attaqué à coup de cocktails molotov le commissariat. Délinquance ou revendications sociales? On ne saurait le dire pour le moment. Néanmoins, des actions doivent être menées, et pas seulement répressives. Notamment pour les jeunes, qui cultivent aisément de l’empathie pour leur semblables , surtout s’il est question d’injustice, avérée ou supposée…