Ses alliés posent maintenant la question : allons-nous offrir la victoire à la Russie ? A la Chambre des représentants où les républicains refusent de voter des crédits pour l’Ukraine si des mesures contre l’immigration ne sont pas prises, Joe Biden s’écrie, avec une certaine angoisse : « ce serait la plus beau cadeau » à Poutine, « l’aide ne peut plus attendre ». A Kiev, Volodymyr Zelensky affirme que « contre vents et marées, nous y parviendrons. A la victoire et à une paix juste ». Au Kremlin, on mise sur une nette baisse du soutien occidental à l’Ukraine. A l’Otan, on affirme qu’il continuera mais son secrétaire général, Jens Stoltenberg, ajoute que « nous devons nous préparer à de mauvaises nouvelles ».
Et c’est vrai qu’elles ne sont pas très bonnes : sur le front, la pression russe est de plus en plus forte même si l’armée ukrainienne résiste bien ; les promesses d’aide n’ont jamais été aussi faibles ; les manifestations en faveur du retour des soldats mobilisés depuis près de deux ans se multiplient dans toute l’Ukraine et les divisions entre le président et le patron de l’armée s’étalent de plus en plus au grand jour.
On savait depuis des mois que l’entente n’était plus cordiale entre Zelensky et Zaloujny, que le président se mêlait de plus en plus de stratégie militaire. C’est lui qui poussait à résister à Bakhmout là où le commandant en chef voulait avant tout protéger ses hommes. Le clash s’est produit le 1er novembre quand Zaloujny, dans The Economist, a affirmé que le conflit était dans une « impasse » et qu’il n’y aurait probablement pas de percée “profonde et magnifique”. Insupportable pour le président qui lui reprochait de faire de la politique et lui demandait implicitement de démissionner. Il ne pouvait l’évincer car le général est plus populaire que lui et très aimé de ses hommes. Il ne communique plus directement avec lui et s’adresse à ses adjoints, il parle d’ennemis intérieurs. Le maire de Kiev, l’ancien champion du monde de boxe poids lourds, Vitali Klitschko, prenait parti pour le général et, estimant la démocratie menacée, prévoyait que le président « va payer ses erreurs ».
Zaloujny a pris une dimension politique qu’il refusait de prendre et menacerait Zelensky en cas de présidentielle. Les jours qui viennent pourraient être sombres à Kiev qui doit profiter de l’hiver, du front gelé pour se remettre en ordre de marche. Aujourd’hui, l’Ukraine doute et ses alliés, tout en refusant la victoire d’une Russie qui ne s’arrêterait pas, doutent de l’Ukraine.