A Berlin, entouré d’Olaf Scholz et de Donald Tusk, le président français avait insisté sur l’unité des Européens qui refusaient de voir la Russie gagner la guerre et affichaient un soutien total à l’Ukraine qui n’entrainerait pas une escalade du conflit. Pas question d’envoyer les jeunes français et européens mourir pour Kiev. Ouf. Mais voilà que dans l’avion du retour, Emmanuel Macron répète au Parisien qu’il sera peut-être nécessaire, même s’il ne le souhaite pas, de mener des « opérations au sol » et qu’il ne faut pas avoir peur de la Russie, « puissance moyenne dotée de l’arme nucléaire ».
Le président laisse entendre que ses pairs sont d’accord avec lui : « il n’y a jamais eu de fâcherie entre le chancelier et moi. Nous avons une très grande communauté de vues sur les objectifs et la situation. C’est la manière de les traduire qui est différente parce que les cultures stratégiques de nos pays sont différentes ». Et il fait remarquer qu’Olaf Scholz lance « une coalition de capacités pour l’artillerie à longue portée ». Une manière de pouvoir, par des voies détournées, livrer des Taurus à l’Ukraine ? Berlin en vendrait à Londres qui les revendraient à Kiev…
En réaffirmant son « no limit », le président français n’est-il, comme le pensent ses opposants, qu’un va-t’en guerre irresponsable et inconscient ou fait-il preuve de la lucidité indispensable à un chef d’Etat qui doit tout prévoir ? La deuxième hypothèse est la plus juste et la plus partagée par les militaires. Se préparer face à la Russie d’un Poutine qui ne recule devant rien et cherche à faire peur ne signifie pas que l’on veuille la guerre. Il faut montrer à celui qui a organisé sa réélection triomphale que l’Europe, concernée au premier chef, ne le laissera pas agir à sa guise. Les paroles françaises se veulent avertissement et dissuasion.
D’ailleurs, la France n’a pas, à elle seule, la capacité de déployer plus de 25 000 hommes de l’armée de terre ce qui permettrait de tenir un front de 83 kilomètres. Dérisoire en Ukraine où les combattants sont répartis sur plus de 1 000…
Bien sûr, il ya aussi des arrière-pensées : Emmanuel Macron cherche à affirmer son lead en matière d’Europe et de sécurité. A rappeler aussi la nécessité de construire une Europe de la défense avec une armée européenne, surtout en ces temps où le possible retour au pouvoir de Trump fait peur.
Le Français pose aussi une question à tous ceux qui le critiquent tout en affirmant que la Russie ne doit pas gagner : comment allez-vous faire si vous vous mettez des limites ? N’est-ce pas laisser le champ libre à Poutine qui, certes se déclare pour la paix, mais à ses conditions ?
Au moment où l’armée ukrainienne est en grande difficulté, où tout peut se jouer dans les prochains mois, les alliés de Kiev, ne peuvent, comme le demande le président français, que se montrer forts. Ou leurs mots seront vides de sens.