Après avoir juré qu’il n’avait aucune volonté d’envahir l’Ukraine et que les forces massées à la frontières n’effectuaient que des manœuvres, Vladimir Poutine déclenchait son « opération spéciale ». En fait, la guerre durait depuis 2014 avec l’annexion de la Crimée et l’occupation d’une partie du Donbass. Cette fois, il devait s’agir d’une « Blitzkrieg » destinée à prendre Kiev et à renverser le pouvoir néo nazi. Stupeur, mais échec retentissant. Et le conflit entre dans sa troisième année qui ne devrait pas, sauf retournement improbable à ce jour, être la dernière.
Qui, de la Russie ou de l’Ukraine, va prendre l’avantage ? On a cru d’abord à la victoire du « gros » sur le « petit », puis espéré une contre-offensive de Kiev qui, grâce aux armements sophistiqués fournis par les alliés américain et européens, allait contraindre les Russes au repli, voire Poutine à négocier. Mais l’aide occidentale, certes importante, était arrivée trop tard, trop lentement et les assaillants avaient eux le temps de construire un système massif de défense qui n’a été franchi qu’en de rares endroits. Aujourd’hui, la Russie a repris l’avantage et, mardi, le maître du Kremlin et son ministre de la Défense Choïgou se félicitaient de la prise d’Avdiivka dans l’Oblast de Donetsk et saluaient « le courage et le dévouement » des « héros ».
En réalité, cette conquête n’est que symbolique et le front, long de plus de 1 000 kilomètres est pratiquement figé. Il y a deux ans, les forces de Moscou occupaient 7% du territoire ukrainien, aujourd’hui 17 à 18 %. Pas de quoi pavoiser. Le sort des armes reste indécis.
Le président Zelensky a reconnu la « situation extrêmement difficile » de son armée. Le mot d’ordre est de tenir. Son nouveau patron, le général Oleksandr Syrsky le dit : « nous sommes passés d’une action offensive à une opération défensive ». Manque d’hommes, manque de matériel et de munitions. Mais, même si son industrie militaire marche 24 heures sur 24 et si Poutine se vante d’avoir toutes les armes qu’il désire, la Russie a également des problèmes de mobilisation et une opinion – surtout les femmes, les épouses- qui s’interroge de plus en plus. Pour Kiev, l’avenir dépend de l’aide. Les Européens se sont réveillés et mettent les bouchées doubles, mais Trump bloque l’aide américaine exigeant en échange des fonds pour lutter contre l’immigration…
Les deux armées sont épuisées et ont besoin de souffler, de se refaire, de se réorganiser. Les pertes ne sont pas exactement connues, mais elles sont très lourdes : 120 000 Russes tués, 200 000 blessés ; 60 000 Ukrainiens tués, le doublé blessé… Plus de 10 000 civils ukrainiens tués et plus de 20 000 blessés.
Cette année 2024 sera cruciale même si sur le terrain, on ne voit pas d’avancées ou de reculs spectaculaires. Elle peut déterminer l’avenir. Les opinions publiques européennes peuvent jouer un rôle dans cette évolution à venir. L’aide à l’Ukraine est toujours jugée nécessaire, mais on relève une certaine lassitude accompagnée d’une montée des partisans d’une grande conférence internationale, d’un compromis.
Depuis deux ans, cette guerre a, d’une certaine manière, changé le monde et sa perception. Au plan militaire, la stratégie, la tactique ont évolué avec l’apparition et la multiplication des drones qu’ils observent ou « combattent ». Le champ de bataille est devenu « transparent ».
Au fil des mois et, ces derniers jours avec la mort de Navalny, le « vrai » Poutine est apparu, digne fils de la Russie historiquement brutale. Alors que dans les démocraties, l’usage de la force n’intervient qu’en dernier recours, il est la première priorité du KGBiste Poutine. A l’intérieur comme à l’extérieur. L’affirmation de la puissance par la force brutale. D’autant que la Russie poutinienne se sent protégée par son statut de puissance nucléaire.
Ces derniers temps, Moscou s’est engagé massivement et sans grande discrétion dans une guerre, dans des manœuvres informationnelles visant à répandre de fausses nouvelles et à attaquer les démocraties de l’intérieur, à changer l’ordre mondial. De l’ingérence sournoise, une autre forme de guerre hybride où le récit légitime et valorise l’action.