«Nous devons décider aujourd’hui quelle nation nous allons être. Allons-nous être une nation qui accepte que la violence politique devienne la norme? Allons-nous être une nation qui autorise des responsables officiels partisans à renverser la volonté exprimée légalement par le peuple? Allons-nous être une nation qui ne vit pas dans la lumière de la vérité mais à l’ombre du mensonge?», s’interroge Joe Biden dans son discours commémorant l’assaut du Capitole, il y a juste un an. «Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir ce genre de nation» lance-t-il à ses compatriotes de plus en plus divisés.
Les Etats-Unis ne se sont pas remis de cette terrible journée qui a abîmé la démocratie américaine. Elle a été encouragée, sinon planifiée, par Donald Trump et ses conseillers et le président a attendu trois heures, regardant l’assaut à la télévision, avant de demander à ses partisans qu’il félicitait de se retirer. Aujourd’hui, il est toujours persuadé d’avoir été volé et prépare sa revanche, loin de la nation apaisée souhaitée par son successeur.
Si les institutions politiques ont tenu, la démocratie est toujours en danger et un professeur de sciences politiques canadien met en garde contre Trump et sonne presque le tocsin : « D’ici 2025, la démocratie américaine pourrait s’effondrer, entraînant une instabilité politique intérieure extrême, y compris une violence civile généralisée. En 2030, si ce n’est plus tôt, le pays pourrait être dirigé par une dictature de droite. » Trump, prévient-il, « n’aura que deux objectifs : justifier et se venger du mensonge selon lequel sa défaite contre Joe Biden en 2020 serait le résultat d’une fraude électorale ». « Nous ne devons pas écarter ces possibilités simplement parce qu’elles semblent ridicules ou trop horribles à imaginer », écrit Thomas Homer-Dixon,le directeur de l’Institut Cascade, bureau de recherche de l’université Royal Roads en Colombie-Britannique. « En 2014, l’idée que Donald Trump devienne président aurait également été vue comme absurde. Mais aujourd’hui, nous vivons dans un monde où l’absurde devient régulièrement réel et l’horrible banal », poursuit-il, persuadé que Trump démolirait la démocratie.
Le pire n’est jamais certain, mais les Etats-Unis n’ont jamais été aussi divisés et violents. La radicalisation idéologique, avec les complotistes de QAnon et les milices en arrière-plan, est perceptible et le conservatisme dominant. Les républicains n’ont plus de programme, ils ont Trump qui a les mains libres, provoque et vit dans sa réalité alternative assumée dès le premier jour de son mandat et qu’il veut imposer à tout le pays. Si l’Amérique ne se ressaisit pas, il peut revenir. Aujourd’hui, 71% des républicains croient toujours à la fraude des démocrates, 47% assimilent l’assaut du Capitole à « un acte de patriotisme » 56% sont convaincus que les assaillants « défendaient la liberté », 40% justifient la violence contre un gouvernement illégitime. Seulement 55% des Américains estiment que Joe Biden est le vainqueur légitime de la dernière élection.
Joe Biden, qui avait suscité beaucoup d’espoir, a échoué à réconcilier les Américains et, en raison de l’Afghanistan, du covid et de sa grande difficulté à faire voter ses projets, a terminé l’année au plus bas, à une cote de 40%. Même échec pour Kamala Harris, la vice-présidente la plus impopulaire de ces cinquante dernières années.
2022 sera cruciale avec les midterms que prépare activement Donald Trump. Il est à la tête d’un trésor de guerre de plus de 100 millions de dollars et c’est lui qui sélectionne les candidats. Les résultats de novembre dicteront sa conduite en vue de 2024. Mais aussi les résultats des enquêtes judiciaires et celle de la commission spéciale de la Chambre des représentants. Sans oublier que Donald Trump aura 78 ans en 2024 et que des nouveaux élus républicains comme le gouverneur de Virginie Glenn Youngkin, s’ils partagent ses idées, refusent ses outrances. Dans son délire, le battu de 2020, qui parle de « théâtre politique » destiné à faire oublier les « échecs » du président démocrate, peut dépasser les bornes acceptables, même par les siens… « Son ego blessé a plus d’importance pour lui que notre démocratie » a affirmé Joe Biden. Oui, mais à lui de se battre pour redresser la situation, inverser le cours de l’histoire, la régression de la démocratie américaine.