Pas un jour ne passe sans que l’un ou l’autre de nos médias n’évoque la vie de plus en plus difficile, les prix qui augmentent, le travail qui manque, les services totalement défaillants et nos élus déconnectés de la société qui ne pensent qu’à eux et se lancent des anathèmes au lieu d’œuvrer pour redresser le pays, de se pencher sur la jeunesse désorientée qui descend dans la rue pour que les promesses de 2011 soient enfin tenues et crie face aux policiers contre » le système corrompu par le pouvoir et le gouvernement ». Ce pouvoir, fourvoyé dans sa lutte entre le président de la République et le Premier ministre suivie avec intérêt par le président de l’ARP qui espère tirer les marrons du feu pour ses projets conservateurs, laisse la police se livrer sans frein à la répression, à l’arbitraire. Triste retour en arrière… Le président calligraphie regardant sa feuille A4 au lieu de voir le mal vivre des gens qui l’ont brillamment porté à Carthage…
Le pays recule, les libertés acquises il y a dix ans sont menacées, le SNJT ne cesse de protester contre les agressions de députés qui ne représentent plus qu’eux mêmes… On pourrait, à la manière de Mustapha El Haddad et de sa » Chronique de la violence politique sous la troïka » dresser une liste des atteintes aux droits perpétrés tant par la police que par des juges aux ordres.
Quelques noms au hasard sans ordre ni chronologie révèlent l’étendue du mal: Wajdi Mahouechi condamné à deux ans de prison en appel pour avoir critiqué un imam et un député qui approuvaient l’assassinat du professeur français Samuel Paty; Emna Chargui condamnée à six mois pour une parodie, sa « sourate corona » pour promouvoir les gestes barrières contre le covid; Imed Ben Khoud arrêté à Kairouan pour avoir partagé sur Facebook une caricature se moquant de policiers dessinés en chiens; Myriam Bribri, inculpée à Sfax pour « insulte à la police » qu’elle avait critiqué sur Facebook; Anis Mabrouki, condamné à quatre mois pour une dispute avec des policiers à Tebourba au moment où une vieille dame menaçait de s’immoler par le feu. On pourrait égrener d’autres noms, ceux de 1600 personnes qui auraient été arrêtées depuis la mi-janvier selon la LTDH, rappeler que 39 condamnations à mort ont été prononcées en 2019 selon Amnesty International et que Kaïs Saied est favorable à son application, évoquer les scandales du blé périmé, des déchets importés, faces visibles d’une corruption omniprésente, les procès faits aux fumeurs de cannabis, aux homosexuels, à la communauté LGBT parfois au mépris de la loi; on peut aussi en sourire avec Rania Amdouni qui tient bon malgré les campagnes de haine…
Où va-t-on? Vit-on simplement une phase douloureuse de l’apprentissage de la démocratie? Se dirige-t-on vers une nouvelle révolution menée par une jeunesse désemparée plus « celtia » que mosquée? Vers un retour à une dictature, vers une sorte de « suicide collectif » d’un pays qui a oublié qu’il avait tout pour se hisser dès 2025 au rang d’État émergent?