Quand il coupe la ligne d’arrivée mercredi soir, Charlie Dalin, 36 ans, laisse éclater sa joie, mais il sait que la victoire ne lui est pas acquise. Deux skippers peuvent encore le battre car ils bénéficient de compensations pour avoir porté secours à Kevin Escoffier dont le bateau a coulé. Boris Herrmann, avec ses six heures a une petite chance de passer devant lui, mais, endormi, il heurte un bateau de pêche espagnol et doit se contenter de la cinquième place. Le deuxième à couper la ligne, Louis Burton ne bénéficie pas de compensation, mais le troisième Yannick Bestaven qui la passe avec un retard de près de huit heures possède un crédit de 10 heures et 15 minutes. C’est lui le vainqueur qui rétrograde Charlie Dalin à la deuxième place.
« J’ai l’impression de vivre un rêve, d’halluciner, c’est un rêve d’enfant, ça a été une régate à l’échelle planétaire… Je n’ai pas pu égaler Le Cléac’h, mais j’ai égalé Jules Verne ». Il y a quatre ans, Armel Le Cléac’h avait gagné le Vendée Globe en 74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes; lui a mis un peu plus de 80 jours et demi.
Il y a quelques jours, Damien Seguin, arrivé 6ème à midi dix-huit, avait critiqué ces compensations: » les bonifications, ça pourrit complètement cette arrivée. Je suis un peu révolté contre cette manière de faire ». Depuis, ce skipper, le premier handicapé – il est né sans main gauche- à participer au Vendée après cinq titres de champion du monde et deux médailles d’or aux jeux handisport en voile – a regretté des « mots mal choisis ». Charlie Dalin comprend et accepte les règles: « c’est tout à fait normal, pas de débat, pas de polémique ». La solidarité des gens de la mer, ne pas secourir un naufragé est impensable… Le skipper du Havre se console: « j’ai franchi la ligne d’arrivée en tête, et ça on ne me l’enlèvera pas. J’ai le sentiment d’avoir fait le job ». Yannick Bestaven lui a lancé: » Charlie, dans quatre ans., le trophée c’est pour toi.. » A 48 ans,il sait qu’il faut être patient, constant: en 2008, il avait démâté moins de 48 heures après le départ et il lui a fallu douze ans pour bâtir un nouveau projet, pour gagner.
Le 8 novembre dernier, ils étaient 33 au départ, huit ont abandonné à ce jour. Ce soir, huit sont arrivés en moins de 24 heures, du jamais vu dans l’histoire de cette course au large. le huitième s’appelle Jean Le Cam, le « vieux » de 61 ans, qui avait recueilli Kevin Escoffier et était doté de 16 heures de compensation.