En ce jour d’élections législatives, une seule chose est sûre : Angela Merkel quitte le pouvoir, même si elle va continuer pendant quelque temps à expédier les affaires courantes. Ce soir, on connaîtra quel parti, parmi les 47 en lice, a gagné mais pas forcément le nom du prochain chancelier. L’Allemagne est gouvernée par une coalition et, cette fois les écarts sont si faibles que le résultat est indécis et les possibilités d’alliances nombreuses. Le leader du parti gagnant ne sera pas automatiquement le successeur de « Mutti ».
Si Angela Merkel s’était représentée, elle l’aurait emporté pour la cinquième fois consécutive. En 2005, la protégée d’Helmut Kohl avait battu le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder qui payait le prix de ses réformes économiques impopulaires d’inspiration libérale. Elle héritait d’un pays « malade » mais profitait finalement des lois décriées, pour rattraper le retard allemand, pour diminuer le chômage, créer des emplois, développer une économie forte. L’Allemagne malade qu’elle a trouvée est devenue une puissance économique majeure, la quatrième mondiale, et un modèle de stabilité. Un seul chiffre pour le constater : le PIB sous l’ère Merkel a augmenté de 23,1 % alors qu’en France, il ne progresse que de 13,8%. Et la chancelière a respecté des règles budgétaires strictes de déficit zéro et de ”frein à l’endettement” qui limite les emprunts publics. Le pays des excédents et non des déficits comme le voisin français.
Angela Merkel, en bonne scientifique qu’elle est, avait sa méthode : face à un problème, elle prenait du recul et trouvait la solution. Pas d’empressement, mais de la réflexion. Une très bonne gestionnaire qui dégageait des moyens pour avancer, développer, mais pas une visionnaire qui voyait son pays des années plus tard. Si l’on souligne quelques « faits d’arme » comme l’accueil d’un million de migrants ou la décision de sortir du nucléaire, on pointe des failles qui devront être comblées. En outre, le modèle économique est en souffrance, l’automobile haut de gamme n’est plus un créneau porteur tout comme celui de machines qui boostait les exportations. Le souci environnemental est passé par là… L’Allemagne de demain sera faite d’un mélange de continuité et de nouveautés. Le SPD parle d’élections de « la nouvelle Allemagne ». Les défis à relever sont nombreux qui vont de la transition énergétique, comme partout, à la démographie, de la réduction des inégalités numériques au déploiement numérique et à la modernisation des infrastructures. Dans la puissante Allemagne, on utilise toujours le fax et seulement 4,9% de la population était, en septembre 2020, raccordée à la fibre contre 35% en France et 70,7% en Islande… Pour faire face, les investissements nécessaires se chiffrent en milliers de milliards d’euros et la question du tabou budgétaire sera au centre des négociations pour former la nouvelle coalition. La lutte contre la pandémie a déjà écorné les dogmes. Les conservateurs et les libéraux aimeraient revenir dans les clous, les sociaux-démocrates prônent aussi le respect mais pourraient être plus laxistes, les écologistes réclament des investissements massifs et répètent que « le déficit zéro n’est pas notre but ». La prochaine équipe au pouvoir sera donc le fruit de compromis… Si Angela Merkel n’a soutenu Armin Laschet que du bout des lèvres avant de s’engager pleinement ces derniers jours, c’est parce qu’elle se sent plus proche du candidat du SPD, Olaf Scholz qui est son ministre des Finances. Il pourrait « être chancelière » dit son parti pour souligner sa proximité avec Mme Merkel qui n’a guère d’atomes crochus avec « l’homme qui rit devant les inondations » …
Alors quelle coalition ? Tout est ouvert, mais les politologues privilégient une union SPD-Verts -Libéraux.
Durant toute cette campagne, les Allemands n’ont pratiquement pas parlé d’Europe et de politique étrangère. Ce sera pourtant un « gros morceau » car là aussi les défis existent : nouvelle attitude des Etats-Unis et toujours la Russie et la Chine. Avec cette question : Berlin peut-il maintenir sa politique finalement accommodante envers Moscou et Pékin au nom des bonnes relations économiques à préserver ?
Ce soir, une nouvelle Allemagne sera peut-être en gestation.