Par Mohsen Lasmar
Combien elle serait justifiée-et l’est sans doute-, la fermeture des chaînes télévisuelle Nesma et radiophonique Al Koraān Al Karim, marque une pénible défaite pour la jeune démocratie qu’est la nôtre.
D’abord parce que cette fermeture sape l’un des fondements essentiels de la démocratie qui est la liberté de l’information, elle-même fondée sur la pluralité et la diversité médiatique. Nonobstant les avis différents que l’on pourrait émettre sur la ligne éditoriale ou la qualité de la production de l’un ou de l’autre des deux médias suspendus, toujours est-il que le paysage médiatique national perd deux sources d’information, et s’appauvrit forcément.
C’est également une défaite démocratique dans la mesure où la fermeture signifie l’échec du dialogue, pilier parmi les plus importants de la pratique démocratique. Sévir au nom de la loi, c’est bien, trouver une solution adéquate par la discussion et l’entente, c’est mieux.
Mais il n’y pas que cela qui rend cette décision difficile à encaisser.
Un, il y a le timing très mauvais à cause de l’absence du propriétaire de Nesma, victime de choix de cette décision de fermeture, arrêté et privé de sa liberté dans un pays étranger.
Deux, la qualité du propriétaire de Nesma qui se trouve être l’ancien finaliste de la dernière présidentielle contre l’actuel homme fort du pays, le Président Saied, d’où, inévitablement un soupçon de parfum de politique politicienne qui se dégage de la décision de cette fermeture.
Trois, la façon dont a été exécutée cette fermeture, Manu militari, dans une ambiance marquée par une grosse et incompréhensible tension et en donnant à voir la présence disproportionnée d’agents de force de la l’ordre.
Quatre, l’ordonnateur de cette fermeture, la HAICA ( Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle), est à la limite de la légitimité puisqu’ elle a dépassé depuis 2019 la durée légale de son existence.
Cinq, pour au moins l’un des deux organes victimes de cette fermeture, à savoir Nessma, ses propriétaires, insistent pour prouver, à travers des documents présentés par leurs avocats que la chaîne était en train de payer ses dettes, principal objet du litige qui l’oppose à la Haica.
Six, si parmi les fonctions de la Haica est d «encadrer le fonctionnement des entreprises audiovisuelles privées et le contenu de leur production audiovisuelle… », force est de constater, au vu de ce que certaines radios et télévisions nous servent à longueur de journée comme l’exemple parfait de la médiocrité et de la décadence, on est plutôt tenté de dire que cette Instance n’encadre pas grand chose, et que les cahiers de charge qu’elle dit soumettre sont loin d’être respectés.
Pour toutes ces raisons, la fermeture des deux chaînes télévisuelle et radiophonique est une faute politique qui aura des conséquences sur la liberté d’expression, pierre angulaire de toute vraie démocratie.