« On ne va jamais si loin que lorsque l’on ne sait pas où l’on va. »
Manifestement, notre pays est condamné, depuis maintenant plus de dix ans, à faire du surplace, parce qu’il ne sait pas où il va, d’une part, et il manque à ses dirigeants la volonté de faire bouger les lignes et d’aller de l’avant pour conduire des réformes audacieuses propre à changer l’ordre des choses.
Ce qui fait cruellement défaut, également, c’est une boussole, une vision et une capacité de transformer les difficultés que connait le pays en opportunités. Au regard des défis qui nous guettent et des difficultés qui ne font que gagner en complexité et en ampleur, on a préféré, jusqu’ici, les demi mesures, la politique de l’autruche et, souvent, la fuite en avant.
Par la faute de tout le monde, le pays s’est transformé en une sorte d’arène où la majorité des acteurs ont choisi de se livrer à des guéguerres improductives et interminables, qui n’ont fait que creuser davantage les sillons de la discorde, de la colère et de la désunion plutôt que de susciter un débat apaisé et réfléchi qui construit l’avenir et renforce les fondements de cette jeune démocratie, assailli par des vagues rebelles.
Nos dirigeants daignent oublier une évidence qui fait «qu’en politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal. » Le paradoxe que nous vivons actuellement, vient, précisément, de l’absence de choix clairs et déterminés, de la paralysie qui a gagné nos dirigeants qui approchent, avec une main tremblante, tous les dossiers brulants.
Les manifestations de colère qui ont été accompagnées ces derniers temps par des actes de pillage et de violence dans de nombreuses régions du pays sont une parfaite traduction de l’impuissance des pouvoirs publics à proposer, à des jeunes désœuvrés et gagnés par le désespoir et la désillusion, des solutions et des alternatives sérieuses qui leur permettent de trouver des raisons d’espoir et de confiance. Impuissance, également, à assumer leur responsabilité, toute leur responsabilité et à dire la vérité aux tunisiens, plutôt que de s’obstiner à emprunter les pistes politiciennes glissantes.
Au moment où experts avertis, organisations internationales et bailleurs de fonds rappellent à satiété la gravité de la situation économique, financière, sociale et l’urgence d’entreprendre des réformes inévitables, pouvoirs publics, acteurs politiques et organisations nationales font comme si de rien n’était. Ils continuent à occulter une réalité complexe préférant chercher à colmater les brèches non à guérir le mal et à vouloir administrer des palliatifs sur un corps devenu presque inanimé. Ils s’obstinent à nous faire croire que tout n’est pas perdu, tout en faisant perdre au pays un temps précieux dans la gestion de questions insignifiantes alors que le contexte exige, plus que jamais, d’agir et de conduire un véritable changement pour espérer sauver ce qui pourrait l’être encore.
Dans la confusion qui règne, les divisions qui ne font que se creuser et le climat délétère paralysant, peut-on réellement opérer des réformes, si douloureuses soient elles, peut-on espérer une adhésion volontaire des Tunisiens à des choix qui restent entourés d’un nuage épais ou restaurer une confiance perdue ?
Au moment où les efforts devraient être orientés vers l’essentiel, classe politique, organisations de la société civile et même les pouvoirs en place, font grise mine, brillent par leur inertie et continuent à s’esclaffer au grand jour.
Le pays, pourtant, éprouvé par les effets du covid-19, supporte de plus en plus péniblement, les incohérences et les errements d’acteurs qui n’ont pas pu prendre conscience qu’il est temps d’enterrer la hache de guerre et de répondre aux cris de détresse des Tunisiens qui se sentent trahis par ceux-là même qui prétendent détenir le flambeau de la révolution et du changement.