De nouvelles révélations confirment la « sombre réputation » de Dubaï en tant que « paradis fiscal », « destination privilégiée pour l’argent illicite » et « plaque tournante du blanchiment d’argent », notamment via l’immobilier. Ces assertions sont contenues dans l’enquête intitulée « Dubai Uncovered », menée par vingt médias internationaux, sous l’égide du média financier E24, révélant, pour la première fois, l’identité de 274 000 propriétaires de 800 000 biens immobiliers situés à Dubaï. Les données brutes à la base de cette enquête, datées de 2020, ont été fournies par le Center for Advanced Defense Studies (C4ADS), un think tank américain composé d’anciens officiers américains et d’universitaires et qui enquête sur les crimes et les conflits internationaux. « Jusqu’à présent, personne ne disposait de ce type d’informations sur l’ensemble du marché immobilier dans un paradis fiscal aussi connu », explique Annette Alstadsæter, professeur d’économie fiscale et directrice du Skatteforsk Center for Tax Research de l’université norvégienne des Sciences de la vie.
« De nombreux propriétaires de biens immobiliers à Dubaï ont été accusés ou reconnus coupables de crimes ou font l’objet de sanctions internationales », précise d’emblée cette investigation, ajoutant que « d’autres sont des agents publics qui n’ont pas déclaré leur patrimoine ou dont la propriété de biens immobiliers coûteux est difficile à concilier avec leurs revenus connus ».
Les journalistes enquêteurs ont notamment identifié plus de 100 membres de l’élite politique russe, des fonctionnaires ou des hommes d’affaires proches du Kremlin, « ainsi que des dizaines d’Européens impliqués dans le blanchiment d’argent et la corruption ».Plusieurs responsables et législateurs européens accusés de mauvaise gestion des fonds publics figurent également parmi les propriétaires répertoriés, dont certains n’ont pas déclaré officiellement leurs propriétés à Dubaï. Parmi les personnalités notables qui possèdent des biens immobiliers à Dubaï figurent Ruslan Baisarov, un homme d’affaires russe proche du dictateur tchétchène Ramzan Kadyrov, et Alexander Borodaï, un membre sanctionné de la Douma russe (chambre basse de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie) connu internationalement pour être devenu « Premier ministre » de la République populaire autoproclamée de Donetsk lors de l’invasion russe de l’Ukraine en 2014. Parmi les ressortissants européens cités se retrouve Daniel Kinahan, le membre présumé d’un groupe criminel irlandais impliqué dans le trafic de cocaïne et d’autres crimes.