Au lendemain des premières conclusions de l’enquête préliminaire menée par l’armée israélienne sur la mort, à la mi-mai, de la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh en Cisjordanie occupée, la chaîne de télévision américaine CNN a annoncé, mardi 24 mai, avoir réuni de nouvelles preuves accablant la défense israélienne.
L’enquête israélienne préliminaire avait, pour sa part, établi que si l’un de ses soldats avait tiré la balle qui a tué Mme Abu Akleh, il ne semblait pas coupable d’un crime, notamment parce que la journaliste se trouvait, au moment de sa mort, « au milieu d’une zone de combats intenses ».
Une défense qu’une enquête menée par CNN – notamment à partir de deux vidéos de la scène, d’une analyse audio et de l’expertise d’un professionnel des armes explosives – déconstruit presque entièrement. Plus : la chaîne américaine affirme même que la journaliste a été tuée dans une attaque ciblée menée par l’armée israélienne.
Plusieurs vidéos, consultées par CNN, montrent quatre journalistes – Shireen Abu Akleh, Shatha Hanaysha, Mujahid al-Saadi, et le producteur d’Al-Jazira, Ali al-Samoudi – discutant avec des habitants, attirés par leur présence près du rond-point Awdeh, à l’entrée du camp de réfugiés de Jénine. Tous portaient un gilet pare-balles estampillé « presse ». C’était « un matin normal à Jénine », ont témoigné des habitants à la chaîne. Sur les vidéos, l’ambiance est calme, et aucun coup de feu ne se fait entendre avant ceux qui ont touché la journaliste. Salim Awad, un résident du camp de réfugiés qui était près des reporters ce matin-là, est l’auteur d’une vidéo de seize minutes montrant que les rues étaient tranquilles. Il a également affirmé qu’il n’y avait pas de Palestiniens armés ni d’affrontements en cours près des journalistes.
CNN a demandé à Robert Maher, professeur et expert judiciaire en analyse audio, d’estimer, à partir des images enregistrées par le caméraman d’Al-Jazira – qui a filmé toute la scène à l’exception du moment où la balle touche la journaliste –, la distance entre lui et le tireur. Dans la vidéo, le premier son, provenant de l’onde de choc au départ de la balle, est suivi, 309 millisecondes plus tard, par un « bang », quand la balle atteint sa cible.« Cela correspond à une distance qui peut varier entre 177 et 197 mètres », selon M. Maher, soit presque exactement l’éloignement entre le groupe et les véhicules de l’armée. L’équipe de CNN a géolocalisé la position des forces israéliennes, laquelle a été confirmée par le rapport de l’enquête préliminaire israélienne.