Au Sénégal, les députés ont examiné, lundi 5 févrie, la proposition de loi pour reporter la présidentielle du 25 février au 15 décembre 2024. À l’issue d’une longue journée, elle a été votée et adoptée à 105 voix pour et 1 contre, mais sans les députés de la principale coalition d’opposition. Ces derniers ont été évacués par les gendarmes car ces parlementaires refusent de voter sans un débat sur le fond.
Autour du Parlement, des dizaines de gendarmes avaient quadrillé la zone pour empêcher tout rassemblement. Et même l’accès à l’Assemblée nationale était plus compliquée que d’habitude, avec des forces de l’ordre équipées de matraques déployées jusque dans l’enceinte du Parlement. Dans la rue, la tension a monté d’un cran dès hier, avec des échauffourées tandis que l’opposition cherchait à se rassembler.
Ce projet de loi étend par ricochet la durée du mandat de Macky Sall, lui qui a promis de ne pas se représenter ; il va pouvoir rester au pouvoir dix mois de plus, le temps qu’un nouveau président soit élu. Or, cette disposition viole la Constitution et notamment les articles 27 et 103, ce dernier interdisant une quelconque modification du mandat du président, argumentent les députés de l’opposition qui dénoncent avec ce texte un coup d’État institutionnel. Pour le député de l’ex-Pastef Ayib Daffé, le résultat est scandaleux : « Ils ont réussi à faire passer l’amendement qui proroge le mandat du président de la république illégalement, anticonstitutionnellement jusqu’au 15 décembre, ce qui est complètement scandaleux, nous n’allons pas l’accepter. »
C’est un scandale, juge également le député Guy Marius Sagna du parti dissous Pastef, rapporte RFI. Selon lui aussi, reporter l’élection au 15 décembre et permettre au président sortant de garder ses fonctions jusqu’à l’arrivée de son successeur est synonyme de coup d’État constitutionnel.
Dans le pays, l’internet mobile est coupé depuis lundi matin. Le ministère de la Communication s’est justifié en parlant d’appels à la haine qui circulent sur les réseaux et de risques de troubles à l’ordre public. « Cette coupure vient jeter de l’huile sur le feu parce qu’elle intervient dans un contexte déjà très tendu, dénonce Qemal Affagnon, responsable de la section Afrique de l’Ouest d’Internet sans frontières. Le Sénégal a récemment explosé le record en termes de coupures internet. Nous déplorons une fois de plus cette situation et nous invitons le gouvernement et les opérateurs de téléphonie et toutes les parties prenantes de l’écosystème internet à respecter leurs engagements pour la protection des droits des internautes sénégalais. Cette coupure porte une grave atteinte à la liberté d’expression, à l’information. C’est aussi une violation de tous les droits internationaux auxquels le Sénégal est partie prenante. »