Le 77e Festival de Cannes s’est ouvert lors d’une cérémonie 100% féminine avec une invité prestigieuse, Meryl Streep, et la volonté affichée de faire une place au mouvement #MeToo qui n’a pas fini de balayer le monde du cinéma.
Camille Cottin aux manettes, Meryl Streep à l’honneur et Juliette Binoche lui remettant une Palme d’or… Tel était le casting de la cérémonie du Festival de Cannes cemardi 14 mai. «Si les contributions des femmes dans l’histoire restent encore trop invisibles, les tiennes ne le sont pas», a déclaré Juliette Binoche à l’actrice du «Choix de Sophie» (1982), «Sur la route de Madison» (1995) ou «Le Diable s’habille en Prada» (2006).
«Tu as changé notre façon de voir les femmes dans le monde du cinéma. Tu nous as donné une nouvelle image de nous-mêmes !», a lancé l’actrice française qui a signé mardi une tribune d’une centaine de personnalités pour une «loi intégrale» contre les violences sexuelles.
Sur la même Croisette où l’ancien producteur Harvey Weinstein, dont la chute a marqué il y a sept ans le début de #MeToo, est accusé d’avoir commis certaines de ses agressions, Camille Cottin, la maîtresse de cérémonie, a entériné le changement d’époque. «Les rendez-vous professionnels nocturnes dans des chambres d’hôtel des messieurs tout-puissants ne font plus partie des us et coutumes du vortex cannois», a-t-elle lancé, sous les applaudissements.
Les rumeurs ont failli submerger l’événement
Il faut dire que le mouvement de libération de la parole, dans le 7e art et ailleurs, ne faiblit pas. Il a même failli submerger le Festival avec des rumeurs d’accusations de personnalités, relayées sur les réseaux sociaux et reprises par certains médias, ayant obligé le festival à démentir.
Un signe de la fébrilité du cinéma français, en pleine introspection sous l’impulsion de Judith Godrèche, devenue la figure de proue du mouvement depuis qu’elle a accusé les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon de l’avoir violée, adolescente. C’est à Cannes qu’elle présentera mercredi son court métrage «Moi aussi», qui met en avant un millier de victimes d’agressions sexuelles.
Autre signe, c’est Greta Gerwig, devenue la première réalisatrice à engranger plus d’un milliard de dollars de recettes avec «Barbie», qui préside le jury le plus prestigieux du 7e art. «J’aime le cinéma, c’est sacré pour moi. L’art, les films, sont sacrés pour moi», a-t-elle la première cinéaste américaine à endosser ce rôle.
Toujours du beau monde
Cette cérémonie a succédé à la traditionnelle montée des marches, gravies par les membres du jury dont Omar Sy, Eva Green et Lily Gladstone, mais aussi la star Jane Fonda, icône de l’Amérique contestataire des années 1970, ou le chien Messi, star de la Palme d’or de l’an dernier, «Anatomie d’une chute».
Sans compter le casting du film d’ouverture, «Le deuxième acte», qui sort en même temps en salles: Léa Seydoux, Louis Garrel, Vincent Lindon et Raphäel Quenard. Quentin Dupieux les a réunis pour une comédie sur le cinéma qui appuie là où ça fait mal, du politiquement correct à la menace de l’intelligence artificielle.
La compétition démarrera mercredi avec «Diamant Brut», un premier film d’une Française Agathe Riedinger. C’est la première des 22 cinéastes, et des seulement quatre réalisatrices, en lice pour succéder à «Anatomie d’une chute» de Justine Triet.
Parmi eux, Francis Ford Coppola, Paolo Sorrentino ou Jacques Audiard, mais aussi le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof. Ce dernier vient de fuir clandestinement l’Iran pour un lieu tenu secret en Europe et a imploré mardi le cinéma mondial d’apporter un «soutien fort» aux réalisateurs menacés.
Il dit craindre pour la sécurité de ses équipes restées en Iran, et rien ne garantit sa venue à Cannes le 24 mai, à la veille du palmarès, pour présenter «Les graines du figuier sauvage».