Je tiens à le préciser d’embée: j’ai voté Kais Saied en 2019. Je ne le regrette pas. Et si, comme beaucoup de mes compatriotes binationaux, je me trouve dans l’obligation de reconnaître que les fruits n’ont passé la promesse des fleurs et que les résultats du mandat présidentiel qui s’achève sont peu visibles sur le terrain, force est cependant d’admettre que beaucoup de choses ont changé en profondeur, impliquant des réalités nouvelles.
D’abord une prise en main des de la chose publique, de sa direction et de sa gestion.
Il y a ensuite le retour de l’Etat avec ses corollaires l’ordre et la sécurité base.
Il y a enfin un cadre moral défini- ou redéfini – pour l’action politique avec comme première exigence la loyauté à la patrie et à nulle autre partie.
Bien entendu, il faut un certain temps pour voir se réaliser des résultats sur le terrain et s’opérer un vrai changement palpable. Or le temps, c’est ce qui manque le plus eu égard aux attentes voire aux souffrances. Il faut faire vite? Oui mais parfois il faut savoir donner du temps au temps.
Pour le tuniso-francais qui je suis, établi voilà plus de six décennies dans la travailleuse et appliquée ville de Strasbourg, et sans doute inséré depuis dans le moule de cette Alsace où l’on sait se hâter lentement et prendre les décisions en temps opportun, le dernier remaniement ministériel ne manque pas d’interpeller. Il pose la question de la stabilité des gouvernements dont la mission est d’appliquer la politique décidée dans la configuration actuelle du regime présidentialiste mis en place depuis l’adoption de la nouvelle constitution. Et si l’on s’en tient à l’exemple du Ministère des affaires étrangères qui vient d’accueillir son troisième locataire en moins de cinq ans, on est en droit de se demander de quels moyens dispose vraiment le nouveau chef de la diplomatie tunisienne pour mener à bien sa mission?
Et le premier de ces moyens c’est, justement le temps. Le temps de connaître ses dossiers certes, mais surtout de se faire connaître. Car un ministre des affaires étrangères est d’abord un visage qui devient au fil du temps familier, donc écouté, respecté.
Cette familiarité est d’autant plus utile que dans la situation actuelle de notre pays, marquée par des difficultés économiques, le rôle de la diplomatie par laquelle passent accords, traités et autres conventions, est plus qu’important: vital. Et c’est encore cette familiarité ( au sens relationnel) qu’il faut pour que notre pays puisse faire entendre sa voix et apporter sa nécessaire contribution à l’apaisement de notre région sujette à d’interminables convulsions.
Durée et continuité, voilà ce dont notre diplomatie a besoin. Ne dit-on pas en tunisien الدوام ينقب الرخام (l’eau coulant goûte à goûte perce le rocher? Nous avons encore souvenir de nos anciens ministres des affaires étrangères qui savaient être partout et dans le même moment. C’était l’ubiquité de la performance et de l’efficacité. Et il n’y a pas meilleur don pour pour un chef de la diplomatie pour être efficient.
Aux exigences du temps il faut également celle de la clarté. Appelé Ministère de Affaires étrangères, de la migration et de tunisiens à l’étranger, ce département laisse gérer les questions de la diaspora par le Ministère des Affaires sociales. N’ayant pas vocation à gérer les questions diplomatiques mais ayant sous sa responsabilité le personnel de l’encadrement éducatif culturel et social des Tunisiens à l’étranger, le Ministère des Affaires sociales se trouve aujourd’hui souvent décalé par rapports aux attentes des nouvelles générations tunisiennes de l’étranger. Donc: le Ministère des Affaires étrangères, de l’émigration et des Tunisiens à l’étrangers ne s’occupe pas des Tunisiens de l’étranger, mais c’est un autre ministère, celui des affaires sociales qui s’en occupe sans avoir les compétences. Les problèmes des Tunisiens à l’étranger ne sont pas, loin de là, d’ordre social. Une mise en ordre s’impose.
*Ancien Conseiller économique et social d’Alsace