
Scènes de la vie ramadanesque…
Mois de la spiritualité, de l’abstinence et du partage, Ramadan est aussi un temps de réflexion, d’introspection et de découverte. Avec « Lumières familiales : récits du Ramadan », une fort belle et insolite expo de groupe qui se tient actuellement au Movenpick Tunis (jusqu’au 06 avril 2025), le public est appelé à découvrir le talent et le savoir-faire de 16 créateurs tunisiens et étrangers réunis à cette occasion par Michela Margherita Sarti, artiste plasticienne internationale connue pour sa pratique du « pop surréalisme ».
Des artistes invités à explorer ici à travers leurs travaux, les multiples facettes du Ramadan « pour nous plonger dans ce temps de rassemblement, de solidarité, de sacrifice et de partage, où chaque œuvre raconte une histoire unique de ces moments si précieux », selon Michela Margherita Sarti, commissaire de l’exposition, à la tête du Movenpick Art Gallery.
Parmi les participants : (Sélima Tria, Olga Malakova, Abdel Tabouti, Bessma Haddaoui, Hamda Dniden, Hamza Moussa, Houssem Grati, Ksenia Filippova, Mohamed Chelbi (alias Gattous), Mohamed Sahnoun, Nour Zarrougui, Sabra Ben Fradj, Safa Attyaoui, Seifeddine Ben Hammed, Samar Grati et Souheil Nachi), nous avons croisé lors de la soirée de vernissage (04 mars), deux plasticiennes de renom que nous remercions vivement pour le temps qu’elles nous ont consacré, Sélima Tria et Olga Malakova.
Consommer ou Contempler ?
« Mon œuvre « Al Khottab Al Beb » interroge, explique Sélima Tria, la place de la consommation pendant le mois sacré du Ramadan. À travers une télévision détournée, support d’images et de messages, je questionne notre rapport à l’abondance et à l’accumulation.
D’un côté, la télévision, symbole du divertissement et de l’influence médiatique, diffuse une réalité où l’acte de consommer devient presque un rituel parallèle au jeûne. De l’autre, le collage au dos de l’écran dévoile une mosaïque d’éléments emblématiques de la consommation ramadanesque : malsouka, tmar, maaoun, amjerbi, frigidaire débordant, étalage de pâtes, de lait, de thon… Autant d’images qui résonnent avec la frénésie des marchés et la surenchère des tables garnies ».
« Ce contraste, poursuit elle, met en lumière un paradoxe ; Ramadan qui est le mois de spiritualité, de retenue et de partage, devient une période d’excès et d’opulence. A travers cette œuvre, j’invite le public à réfléchir : jeûnons-nous aussi de nos habitudes de surconsommation ou les renforçons-nous sous une autre forme ? ».
Concernant le support, Sélima Tria nous fait savoir qu’elle a utilisé une Smart TV comme support en peignant directement sur l’écran avec de l’acrylique. Elle a ensuite pris plusieurs photos d’une grande surface, qu’elle a imprimées et découpées, inspirées du mois de Ramadan. Ces images ont été assemblées en un collage qu’elle a placé à l’arrière de la télévision. Une installation qui crée selon l’artiste, un dialogue entre la technologie et l’art traditionnel, tout en mettant en avant la symbolique du mois Saint.



« Flouss El Melh »
Originaire de Tallinn, capitale de l’Estonie et installée depuis de longues années déjà en Tunisie, Olga Malakova qui est complètement ancrée dans la société où elle vit, explique quant à elle, sa démarche en réalisant son œuvre exposée : « Pour pleinement avoir vécu les fastes et la ferveur de Ramadan depuis mon arrivée en Tunisie, je me suis retrouvée à la croisée des inspirations lorsqu’il a fallu créer une œuvre entre lumières familiales et récits de Ramadan. Dans quelle direction aller ? Réveiller le folklore ou représenter la piété, revenir à mon personnage de Sidi Aïd ou investir les fêtes populaires, peindre le culinaire ou rechercher le secret des coutumes ?
C’est alors que je me suis souvenue d’un rituel familial qui ressemble à un jeu subtil et se prête à une approche plastique. J’ai alors entamé la création de ce tableau qui de la cuisine à la table familiale, se joue entre un pot de sel et un coffret de bijoux… ».
Et l’artiste de poursuivre : « Selon une tradition immémoriale liée au jeûne de Ramadan, les hommes offrent des bijoux à leurs épouses à la fin du mois saint. Cette tradition s’explique par l’usage culinaire qui consiste à goûter la nourriture au risque de rompre le jeûne.
Subrepticement, les cuisinières vérifient ainsi la teneur en sel des plats qui sont en cours de préparation. Ce risque qu’elles prennent est salué par cette coutume nommée « Flouss el melh », littéralement « L’argent du sel ».
« Si cette rétribution symbolique peut être effectuée en monnaie sonnante et trébuchante, conclut Olga Malakhovka, elle peut aussi se concrétiser par l’offrande d’un bijou ».

Bon Ramadan à toutes et à tous !