Par Abdelhamid Zoghlami*
Dans quelques heures, la Tunisie affrontera le Brésil au stade du Parc des Princes à Paris, dans une rencontre amicale en préparation de la Coupe du monde qui débutera dans moins de deux mois au Qatar, et à laquelle les deux équipes sont qualifiées.
Rencontre amicale, vous avez dit? Voire.
Pour l’équipe brésilienne, quintuple champion du monde, il serait difficile d’accepter de perdre face à une équipe africaine, certes bonne dans sa région, mais qui n’a jamais passé le premier tour des éliminatoires de la coupe du monde. Faire match nul à la limite, mais perdre serait quelque chose de difficile à imaginer et franchement « inavalable » dans un pays où le ballon rond est sacré et le football élevé au rang d’une religion ou presque.
Pour l’équipe de Tunisie, par contre, ce sera l’heure de vérité pour avoir enfin les réponses aux questions qui taraudent tous les esprits à quelques semaines du début du Mondial:où on en est de notre préparation, que vaut-on intrinsèquement en tant qu’individualités et en tant que collectif, et de quoi est-on capable face aux grands défis? L’équipe Tunisie tentera de donner de bonnes réponses à ces questions et de rassurer, face à une équipe du Brésil qui, certes, n’est plus le foudre de guerre qu’il était autrefois, mais qui demeure l’une des meilleures équipes du monde et en tout cas la plus capée. Tout cela concourt à faire de cette rencontre amicale un test d’importance pour chacune des deux équipes et, espérons- le, un bon moment de football.
Quant à nous, Tunisiens du pays et de la diaspora, amateurs du football et supporters de ces rouge-et blanc bien avant qu’ils n’acquièrent leur surnom d’Aigles de Carthage, cette rencontre qui se jouera à guichets fermés, aura un goût particulier où la nostalgie va le disputer à l’inquiétude.
Nostagie d’abord qui emplit les souvenirs de toute une génération pour qui le football tunisien était d’abord affaire de patriotisme, de sacrifice et de don de soi. On jouait pour le drapeau: »Eddrabou »!
C’est d’ailleurs pour ce « Eddrabou » que Sadok Sassi, alias Attouga, gardien du Club africain et de l’Équipe nationale consentit à se faire « casser la gueule » pour empêcher le coup franc coup de canon du capitaine et combien redoutable tireur brésilien, Roberto Rivilino de rentrer et d’alourdir une note déjà bien salée de 3 /1 en faveur des aureverdi .C’était en 1973 à El Menzah. Qui pourrait oublier l’image de Attouga, sorti sur une civière, le visage en sang mais sous les applaudissements d’un public reconnaissant.
Inquiétude ensuite, quand on voit la situation de délabrement financier et organisationnel dans laquelle se trouvent aujourd’hui nos plus grands clubs: le Club africain, justement équipe de Attouga et de tant d’autres grands joueurs qui ont fait les beaux jours du football tunisien et hissé les couleurs nationales. L’Étoile sahélien, l’équipe du grand entraîneur national Abdelmajid Chettali, artisan de l’inoubliable campagne Argentine de 1978. Le Club sportif sfaxien qui révéla tant de talents parmi lesquels le magique Hamadi Agrébi. Tous ces clubs, tous plus centenaires les uns que les autres, ont joué des rôles qui vont au-delà de leur fonction footbalistique. Ils ont été les véritables écoles du patriotisme, de la compétition et du don de soi. C’était aussi ces équipes, avec l’Espérance, constituaient les affluents des équipes nationales cimentant sans cesse l’unité du peuple tunisien.
Hélas, le laxisme qui n’épargne aucun secteur, conjugué au manque de la volonté politique ont eu, en une décennie, raison de la bonne santé de ces clubs qui ont pourtant constitué les piliers du football, voire du sport en Tunisie. On a donné ces institutions à diriger à des arrivistes, on a accepté qu’elles soient gérées par des amateurs incompétents, on a engagé des entraîneurs par copinage et petits calculs…, et les résultats sont là:des équipes en quasi- faillite.
Et que fait le ministère de tutelle face à ce danger qui menace nos grands clubs dans leur existence? Bien malin qui saurait le dire.
Espérons que malgré la situation délabrée de notre football, nos représentants trouveront ce soir la force-la grinta- qui leur permettra de se transcender et de se surpasser face à l’ogre brésilien, et pouourquoi pas, venger la défaite de 1973.
* co-fondateur de tunisie-direct