Par Sayda BEN ZINEB
Pour célébrer la soixante-cinquième année depuis l’établissement des relations diplomatiques polono-tunisiennes, l’ambassade de la République de Pologne à Tunis, sous l’égide de son Excellence Madame l’ambassadrice Justyna Porazinska, a organisé le vendredi 10 mai au Palais Ennejma Ezzahra (Sidi Bou Saïd), un concert de piano animé par un excellent duo des deux pays. Il s’agit de Bassem Makni et Magdalena Lisak qui nous ont proposé un programme savamment orchestré.
Bassem Makni est titulaire du diplôme de musique arabe en 1982, du Premier Prix de Piano du Conservatoire National de Musique à Tunis en 1990 ainsi que d’autres distinctions jusqu’à son Doctorat en musique et musicologie de la Sorbonne Paris IV en 2002. Professeur, formateur, concertiste soliste ou avec des orchestres, l’artiste compte plusieurs contributions et son répertoire s’étend de Bach à Tchaïkovsky et Rachmaninoff en passant par Grieg, Mozart,…
L’artiste polonaise Magdalena Lisak est une accoutumée des prix de concours nationaux et internationaux qu’elle remporte dès son plus jeune âge. Formée par d’illustres noms du métier, Lisak est diplômée avec distinction de l’Académie de musique Karol Szymanowski de Katowice, Pologne, puis du Conservatoire de Zurich et de l’Académie de Musique à Bâle de 1996 à 1998. Son parcours est riche de récitals et de concerts avec des orchestres et ensembles de musique de chambre dans les quatre coins du monde. Elle est également professeur de piano et donne des Master classes.
Le programme est une riche palette de sonorités musicales des deux pays avec comme trait d’union, Chopin qui est joué par les deux artistes. Le concert est entamé par Makni avec des airs orientaux, « Des airs du désert », une composition de son frère Mohamed, puis son propre arrangement d’une pièce de Ahmed El Wefi « Ya la qawmi ». La transition musicale de notre musique vers l’Est de l’Europe s’opère avec les « Variations sur un chant tunisien ». Cette collection de pièces fut composée par Abdelmelek Gortchakoff de l’Europe de l’Est installé en Tunisie lors de la deuxième guerre mondiale, ancien assistant musical de Prokofiev et professeur de Makni. C’est dire à quel genre il fallait s’attendre. Les quelques pièces de la collection dont « Gammarth à l’aube » ont été inspirées par les activités de Gortchakoff en tant que moniteur dans les villages d’enfants dont celui de Gammarth. Courtes et d’inspiration de notre propre paysage, de nos enfants à nous, se réveillant le matin, dans leurs ateliers ou « Sur la plage de Raoued », les sonorités sont déjà européennes. Le pont vers l’Europe est tendu. Chopin est là. Makni joue la Fantaisie-Impromptu (Op. 66) et une Polonaise (Op. 40 n. 1).
La main est tendue. C’est au tour de la pianiste polonaise Magdalena Lisak de faire son apparition. Forte de son bagage technique de l’œuvre de Chopin (sixième prix du treizième concours international de piano de Fryderyk Chopin à Varsovie en 1995), l’artiste continue la deuxième partie du programme avec le fameux compositeur. Elle entame son récital avec deux Mazurka, des chants populaires polonais, (Op. 56 n. 2 et Op. 33 n. 4) avant de s’attaquer à la troisième « B en La bémol (Op. 47).
Qui connaît Chopin sait évidemment que cette pièce va vous entraîner dans des humeurs que vous n’auriez jamais soupçonnées auparavant. De la mélancolie à l’espoir, la ballade ravit sous les mains expertes de Lisak. Et cela continue avec l’ « Etude » dite « révolutionnaire » (Op. 10 n.12) où, cette fois la ténacité de la main gauche de la pianiste défie la main droite réputée dominante dans le jeu de piano. La suite du récital a été l’occasion de jouer deux autres pièces de deux compositeurs polonais « Shéhérazade » de Karol Szymanowski et la très chopinesque « Les roses et les épines » en trois mouvements de Juliusz Zarebski.
Les deux pianistes de talent n’ont pas manqué de nous jouer, comme rappel, deux pièces à quatre mains (Brahms et Bach) pour notre très grand plaisir de voir s’unir sur scène deux grands talents d’origines différentes ; un mariage de musiques qui honore les relations diplomatiques distinguées entre les deux pays. Il n’y a absolument pas mieux que l’art, la musique en particulier, pour rapprocher les peuples et honorer la Paix.