L’optimisme né des déclarations des négociateurs mardi soir après quatre heures de discussions aura été vite douché par le Kremlin. Alors que le représentant du Kremlin, Vladimir Medinski, faisait état de progrès « substantiels » et promettait un retrait drastique de ses troupes dans les régions de Kiev et de Tcherniguiv.
Le porte-parole Dmitri Peskov a déclaré hier matin que les pourparlers d’ Istanbul mardi n’ont donné lieu à rien de « très prometteur » ni à aucune « percée », il y a beaucoup de travail à accomplir ». Il a néanmoins qualifié de « positif » le fait que la partie ukrainienne ait « enfin commencé à formuler de façon concrète ses propositions et à les mettre par écrit ».
Ces affirmations avaient été accueillies avec scepticisme par les capitales occidentales, qui accusent Moscou de ne pas vraiment chercher une solution négociée derrière une bonne volonté de façade. Les forces russes autour de Kiev ont entamé un « repositionnement » mais « pas un vrai retrait », affirmait dès mardi soir, le porte-parole du ministère américain de la Défense, John Kirby. Les autres capitales occidentales indiquaient qu’il fallait juger la Russie sur ses actes et non sur ses paroles.
Volodymyr lui aussi demandait à voir. « Si nous pouvons dire que les signaux que nous entendons dans les négociations sont positifs, ils ne font pas oublier les explosions ou les obus russes », disait-il dans un message-vidéo posté sur Telegram. « La situation n’est pas devenue plus facile, l’ampleur des défis n’a pas diminué, l’armée russe a toujours un potentiel important pour poursuivre les attaques contre notre État ». Les faits donnaient raison à ceux qui doutent de la bonne foi de Moscou : la ville de Tcherniguiv, dans le Nord de l’Ukraine, a été bombardée « toute la nuit », a annoncé ce matin le gouverneur régional, malgré l’annonce la veille par Moscou d’une réduction de son activité militaire dans cette zone. Des infrastructures civiles ont été détruites et la ville se trouve toujours sans eau ni électricité. Cette ville, qui comptait 280.000 habitants avant la guerre, est « sans communications et on ne peut plus les réparer », a-t-il ajouté à la télévision, évoquant également des frappes sur Nijyne, dans la même région.
A Marioupol, où l’opération humanitaire n’est pas possible « à ce stade » ont constaté mardi Macron et Poutine qui « va réfléchir », les bombardements et combats se poursuivent. Un bâtiment de la Croix-Rouge a été touché. La mairie a dénoncé l’évacuation forcée d’une maternité vers la Russie. «Plus de 70 personnes, des femmes et du personnel médical ont été emmenées de force par les occupants de la maternité N°2 du district de la rive gauche», a affirmé la mairie sur Telegram. Au total, plus de 20 000 habitants de Marioupol ont été évacués «contre leur gré» en Russie, selon la municipalité, qui affirme que les Russes leur ont confisqué leurs papiers et les ont redirigés «vers des villes russes éloignées».
A Moscou, Vladimir Poutine qui exigeait que Gazprom soit payé en roubles est revenu en arrière : il a annoncé ce matin que cette mesure sera mise en place progressivement, sans réellement fixer de date. Pour les experts, il va renoncer car c’est la Russie qui, finalement, serait perdante.
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Une enquête de Kamil Galeev, chercheur basé à Moscou et qui travaille notamment pour le think tank américain Wilson Center indique que Poutine a « choisi » les soldats envoyés au front. Ce chercheur a épluché les avis de morts au combat dans la presse locale ou les listes de soldats hospitalisés. Conclusion : on y trouve beaucoup de patronymes musulmans originaires de la république du Daguestan dans le Caucase. Et aussi des Tatars de Crimée, une population d’origine turque souvent reléguée au bas de l’échelle sociale. Ou bien encore des Kazakhs de la région d’Astrakhan, au bord de la mer Caspienne : leur représentation au sein de la troupe est sept fois supérieure à leur part dans la population globale ; il s’agit là encore une minorité ethnique. Ils viennent aussi des petites villes et des campagnes des Sibérie où ils font partie des classes les plus défavorisées. Moins de protestation, un salaire et en cas de mort au combat, une indemnisation de 7 millions de roubles, 70 000 euros, est offerte à la famille, selon les décomptes de Kamil Galeev…