L’armée russe flanche. Dimanche soir, après six jours d’une impressionnante contre-attaque ukrainienne dans l’est du pays, un large pan de la région de Kharkiv, a été repris par des combattants ukrainiens galvanisés. Un responsable prorusse a déclaré que les forces ukrainiennes avaient largement dépassé en nombre, de l’ordre de un pour huit, les troupes russes et leurs alliés lors de leur contre-offensive. S’exprimant sur la chaîne publique Rossia 24, Vitali Gantchev a ajouté que les forces ukrainiennes avaient repris des localités auparavant contrôlées par les Russes dans le nord de la région, perçant jusqu’à la frontière avec la Russie, vers laquelle « environ 5 000 » civils ont été déplacés. Une déclaration qui tranche avec la propagande russe qui évite habituellement d’évoquer les défaites et loue la force de l’armée russe.
Le ministère de la défense russe a déclaré bombarder les zones qui ont été reconquises par les forces de Kiev. « Dans les zones des localités de Koupiansk et d’Izioum, des combattants et des équipements de la formation nationaliste Kraken, de la 113e brigade de défense territoriale et de la 93e brigade mécanisée ont été touchés », a déclaré le porte-parole du ministère de la défense. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a ajouté que l’intervention militaire russe allait continuer « jusqu’à ce que les objectifs soient atteints ». Il a, par ailleurs, estimé qu’il n’y avait actuellement « pas de perspective de négociations » entre Moscou et Kiev.
L’armée ukrainienne a également revendiqué ce lundi la prise de 500 kilomètres carrés de territoires aux forces russes en deux semaines de contre-offensive dans la région de Kherson (Sud), une première estimation chiffrée des gains ukrainiens. « Nos succès de ces deux dernières semaines sont assez convaincants », a dit à la presse Natalia Houmeniouk, porte-parole militaire pour le Sud. Elle a notamment annoncé la libération des localités de Vysokopillia, Bilohirka, Soukhy Stavok et Myrolioubivka.
Ces 500 km², dont il est difficile de vérifier dans l’immédiat la réalité, s’ajoutent aux quelques 3 000 km² revendiqués dimanche soir par l’armée ukrainienne et confirmés par le renseignement britannique ce matin.
La « troisième étape »
La guerre en Ukraine entre dans une nouvelle phase selon la Défense ukrainienne. « La première étape dans la guerre visait à dissuader les Russes. La deuxième a consisté à établir un équilibre entre eux et nous sur le front, à stabiliser le front, et à tester leurs capacités de résilience. (…) La campagne de contre-offensive est la troisième étape », a déclaré le ministre de la défense ukrainien, Oleksii Reznikov, dans un entretien au journal Le Monde.
Interrogé sur la possibilité d’une guerre longue, M. Reznikov se refuse à faire des prédictions, mais assure : « Ça va être comme une boule de neige, elle va commencer à rouler, rouler, rouler, et elle va devenir de plus en plus grosse, de plus en plus grosse… Et on va voir la deuxième armée du monde battre en retraite. »
Les objectifs de l’Ukraine sont la libération de tous les territoires occupés, « y compris la Crimée [annexée en 2014], Louhansk et Donetsk ». « Nos gardes-frontières installeront leurs postes sur la frontière russo-ukrainienne, là où elle se trouvait en 1991 », lance-t-il. Outre la « libération totale » des territoires ukrainiens, Kiev réclame une « feuille de route absolument claire sur le paiement de réparations par les Russes et sur l’établissement de leur responsabilité dans les crimes de guerre » commis depuis le début de l’invasion, le 24 février.
Des opposants intimidés
Lors de son discours d’ouverture de la 51e session du Conseil des droits de l’homme, la Haute-commissaire adjointe aux droits de l’homme des Nations unies, Nada Al-Nashif, a dénoncé ce lundi matin « les intimidations, les mesures restrictives et les sanctions à l’encontre des [Russes] exprimant leur opposition à la guerre en Ukraine ». Selon elle, ces agissements du Kremlin « compromettent l’exercice des libertés fondamentales garanties par la Constitution, notamment les droits à la liberté de réunion, d’expression et d’association ». « Les pressions exercées sur les journalistes, le blocage des ressources disponibles sur Internet et les autres formes de censure sont incompatibles avec le pluralisme des médias et violent le droit d’accès à l’information », a-t-elle ajouté.
Elle a par ailleurs appelé Moscou à « reconsidérer les mesures prises pour étendre l’étiquette d’“agent étranger” aux personnes considérées comme “sous influence étrangère”, et pour criminaliser les contacts non déclarés avec des représentants d’Etats, d’organisations étrangères ou internationales considérées comme étant dirigées contre la “sécurité” de la Fédération de Russie ».
Vers un accord à Zaporijia ?
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), en consultations avec Kiev et Moscou pour l’établissement d’une zone de sécurité autour de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia, a fait état ce lundi de signaux positifs même si, selon elle, la situation reste « précaire ». « J’ai vu des signes montrant qu’ils sont intéressés par un tel accord », a déclaré le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, lors d’une conférence de presse, au premier jour du conseil des gouverneurs de l’instance onusienne qui se tient cette semaine à Vienne.
« Nous discutons des différentes caractéristiques techniques », comme le périmètre de cette zone ou le travail des deux experts de l’AIEA restés sur place, a-t-il fait savoir, avant d’ajouter : « Les deux parties coopèrent avec nous et posent des questions, beaucoup de questions. » Dans un rapport publié la semaine dernière peu après une mission sur place, l’AIEA avait préconisé la mise en place d’une zone de protection du site.