Par Sayda BEN ZINEB
La ville de Namur en Belgique vient de vivre du 29 septembre au 06 octobre 2023, au rythme du cinéma francophone ; un marathon de 125 courts et longs métrages de fiction, d’animation et documentaires. Une sélection audacieuse et hétéroclite pour tous les gouts, il faut le dire, a drainé un large public de cinéphiles arpentant les divers lieux de programmation des films et des rencontres. Mais l’ambiance générale, il faut le reconnaitre aussi n’était pas au top comme les sessions précédentes à cause de la crise économique et des compressions budgétaires dues au manque d’engagement de la part des sponsors. La crise actuelle avec la flambée des prix partout dans la capitale wallonne ne se limite pas, semble –t-il, à la Belgique, mais à toute l’Europe à cause du conflit, Russie-Ukraine. Heureusement que le cinéma était là pour nous faire oublier tous les malheurs de la planète.
En effet, nous nous sommes gavés de bons films des quatre coins de la francophonie avec, cerise sur le gâteau, des séances de films hors festival, comme « Les filles d’Olfa » de notre compatriote Kaouther Ben Hania et « Anatomie d’une chute » de la Française Justine Triet, (Palme d’Or festival de Cannes 2023).
Problèmes de couples
Les problèmes de couples sont au centre d’un bon nombre de films programmés à la 38ème édition du FIFF comme « Soudain seuls » de Thomas Bidegain avec Mélanie Thierry et Gilles Lelouch, (France –Belgique). C’est l’histoire de Ben et Laura et leur projet d’un tour du monde en bateau. Arrivés près des côtes antarctiques, ils font un détour pour explorer une île. Mais une fois sur place, leur bateau disparaît dans une tempête. Soudain seuls, exposés au froid, à la faim, à la peur et livrés aux éléments déchaînés, les deux protagonistes devront aller au bout de leur capacité de survie, et de la vérité de leur couple…
« Solo » est un film québécois de Sophie Dupuis avec Théodore Pellerin et Félix Maritaud. Simon, étoile montante de la scène drag queen de Montréal, rencontre Olivier, la nouvelle recrue du bar-spectacle où il se produit. Alors que Simon croit vivre une électrisante histoire d’amour, il s’installe entre eux une dynamique toxique découlant de la personnalité narcissique d’Olivier, d’où l’échec d’une relation qui n’a pas trop duré.
Autre coproduction entre la Belgique, la France et le Québec, « Quitter la nuit » de Delphine Girard projeté à l’ouverture du festival. L’histoire nous tient en haleine durant « toute une nuit » lorsqu’une femme se sent en danger en présence d’un homme et appelle la police. L’agent (une femme aussi) prend l’appel et la justice se charge d’élucider l’affaire.
L’autre coup de cœur, « Anatomie d’une chute » de Justine Triet, avec Sandra Huller et Swann Arlaud (France). Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, vivent depuis un an, loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Une véritable dissection du couple.
Révolutions et guerres civiles
Passons à un autre registre, les films à caractère politique comme « Libertate » de Tudor Giurgiu, (Roumanie). Un très bon film qui explore un épisode peu connu des incidents ayant mené à la fin du communisme. Le réalisateur transforme les événements réels de la révolution roumaine au parfum de la guerre civile survenus à Sibiu au cours des derniers jours de la révolution de 1989.
Quant au documentaire « Une des mille collines » du réalisateur belge Bernard Bellefroid, il marque les esprits par sa singularité et la force de son propos. C’est une succession de témoignages de rescapés et de génocidaires condamnés. Le choix du réalisateur de raconter l’histoire du massacre des Tutsis au Rwanda à travers le portrait de trois enfants d’une famille de victimes, rend les confidences des villageois encore plus percutantes et touchantes.
Enfin, « Le spectre de Boko Haram » de Cyrielle Raingou (Cameroun- France) relate une autre tragédie dont les séquelles sont encore vivantes dans certains pays de l’Afrique. Une œuvre qui a fait couler beaucoup d’encre vu sa proximité avec l’actualité. Les frappes du groupe terroriste Boko Haram dans l’un des villages à l’Extrême-Nord du Cameroun, durent depuis 2013. Et selon la réalisatrice, même si actuellement leurs exactions se raréfient, la menace reste réelle et omniprésente.
Les difficultés de la vie
L’exploitation des ouvriers par les patrons et l‘âpre quotidien des pauvres gens constituent par ailleurs la toile de fond d’œuvres comme « Mambar Pierrette » de la documentariste camerounaise Rosine Mbakam qui nous a émus avec un premier film de fiction touchant, sur les cruelles conditions de vie d’une couturière à Douala au Cameroun.
Quant au film « Richelieu » de Pier Philippe Chevigny (Québec-France), il dépeint la situation chaotique d’une usine employant des ouvriers guatémaltèques. Nouvellement embauchée à titre de traductrice, une jeune femme entreprend avec ces derniers une résistance quotidienne pour lutter contre l’exploitation dont ils sont victimes. Notre grand coup de cœur va enfin au film belge qui nous a été projeté en exclusivité, « La fiancée du poète » de et avec Yolande Moreau, une grande actrice belge très connue et appréciée en Tunisie qui mêle ici avec bonheur, comédie sociale et réalisme poétique. Epoustouflant !