Par Lotfi Ben KHELIFA
Avec une chanson rythmée et dansante, qui a aujourd’hui soixante quatre ans d’existence et qui est parfois et encore diffusée par notre radio nationale, nous pouvons dire que : « Ich laoun ana ? » (Comment-vais-je ?) Du chanteur égyptien Chafik Jalel (1929-2000), qui était pourvu d’une voix forte et suave et passé maître dans les « Mawals » (improvisations), est restée intemporelle. Elle rappelle et rappellera bien des souvenirs pour les septuagénaires d’aujourd’hui, tout en plaisant également aux nouvelles générations.
« Ich laoun ana ? », chanson populaire par excellence, a eu un succès fou et sans pareil dès sa sortie en 1958 et durant les années suivantes. Elle est même devenue à l’époque un phénomène social, voire un sobriquet dans le dialogue quotidien des citoyens tunisiens. Le titre de cette chanson avait prit une telle proportion jusqu’à devenir interdit d’emploi ! Pour des connotations particulièrement érotiques et autres inventées par une frange de la société. L’expression « Ich laoun ana ? » était même employée pour désigner une certaine forme de claquettes et de sandales. C’était la première fois en Tunisie qu’une simple chanson orientale agissait fortement sur le comportement des gens dans leur vie quotidienne.
Et devant le succès recueilli par Chafik Jalel, les impresarios n’avaient pas tardé à l’inviter et à plusieurs reprises à donner des concerts en Tunisie dès 1958. Il avait même chanté dans un café-spectacle : le café « El Kawakeb » (Les étoiles), anciennement dénommé : « Café français » au quartier d’El Omrane, ex-Franceville.
Un ancien et défunt chanteur, luthiste, enfant de la Rachidia de la génération de Tahar Gharsa et qui était le maestro de la troupe « El Joumhouriya » et non moins coiffeur à Bab Jedid, surnommé Mahmoud Kandil, alias Mahmoud Ben Chedly, en référence au chanteur égyptien Mohamed Kandil, auquel il ressemblait, m’avait raconté qu’il avait joué au luth au sein de l’orchestre tunisien qui avait accompagné Chafik Jalel durant ses concerts à Tunis. Il se rappelait bien du « Mawal » : « Ghaddar ya zaman » dans le mode « Rast » contenu dans la chanson : « Ich laoun ana ? » Qu’interprète Chafik Jalel d’une manière inégalable, selon lui, avec une montée de voix sûre et élégante. Une chanson à souvenirs, qui a traversé et traverse encore le temps.