Au Kenya, des fourmis menacent les lions, rapporte Le Figaro… Des fourmis acrobates vivaient dans ce qu’on appelle un « système mutualiste » avec les acacias drepanolobium, des petits arbres à épines. Une organisation dans laquelle les deux espèces se rendent service. Les fourmis protègent les arbustes des herbivores, et dans ce cas précis des éléphants en piquant leur trompe, un organe très sensible. « En échange, les acacias offraient aux insectes le gîte et le couvert, explique Franck Courchamp. Les fourmis se nourrissaient de la sève des arbres et nidifiaient dans les troncs. » Mais dans la réserve Ol Pejeta, l’arrivée de fourmis à grosse tête est venue tout bouleverser. L’origine géographique de ces fourmis reste inconnue, mais de l’avis des scientifiques, la circulation des personnes et des biens a permis leur propagation à l’échelle mondiale, avec des conséquences catastrophiques pour les insectes indigènes.
Les grosse fourmis ont vaincu les petites. Les acacias ont perdu leurs protecteurs et les éléphants ont pu les brouter et les piétiner. Résultat, les paysages se sont éclaircis, les lions ne pouvaient plus se cacher pour observer et traquer leur proie préférée, le zèbre. En comparant les zones touchées par les fourmis invasives à celles situées au-delà de la frontière d’invasion, les auteurs ont constaté que les zèbres victimes de lions étaient 2,87 fois plus nombreux dans les zones non envahies.
Le zèbre est donc le grand gagnant de cette guerre de fourmis, mais au détriment de qui ? Car, un tel bouleversement fait mécaniquement des perdants et pas forcément celui que l’on croit. Plusieurs pistes sont possibles, les lions pourraient subir un déclin de leur population, mais ils peuvent également concentrer leur chasse dans des zones toujours boisées ou bien encore se tourner vers d’autres proies. Si aucune réponse absolue n’est donnée, des indices plaident pour la dernière hypothèse. Les félins semblent se tourner davantage vers les buffles, qui pourraient, in fine, être les grands perdants de cette histoire. En 2003, les zèbres représentaient 67 % du butin des lions de la réserve. En 2020, cette proportion avait chuté à 42 %, tandis que dans le même temps celle des buffles est passée de 0 % à 42 %.