Par Lotfi Ben Khelifa
Elle s’intitule : « Kif rayi hemelni » (Quand ma pensée m’a baladé) et c’est une chanson de la célèbre cantatrice algérienne Saloua, la diva du « Hawzi » et du « Châabi, celle qui a tiré sa révérence au début du mois de décembre 2021. Intemporelle, la chanson en question est une œuvre populaire qui avait marqué l’époque du milieu des années soixante du siècle dernier. Elle avait fait connaître son interprète auprès du large public tunisien.
Cette chanson, écrite par Mohamed El Habib Hachelef et composée par Amraoui Missoum, un musicien algérien novateur et chef d’orchestre, a eu un très grand succès aussi bien en Tunisie que dans son pays l’Algérie et auprès de la communauté maghrébine et arabe en France. A cette période, la talentueuse Saloua avait abandonné l’animation et la présentation d’émissions enfantines, puis sur la femme qu’elle avait entamée dès 1952 sur Radio Paris et Radio Alger. Le succès recueilli auprès des foules sur les scènes arabes et évidemment par le biais des disques qu’elle sortait, l’avait encouragée à presque abandonner le micro, car elle y reviendra dix ans plus tard et même sur le petit écran à la Télévision algérienne pour animer l’émission réservée aux vedettes de demain : « Alhane wa chebeb » (Compositions et jeunes.)
Mais revenons à « Kif rayi hemelni », un titre qui avait fait tilt et que les sexagénaires et septuagénaires d’aujourd’hui s’en rappellent parfaitement. Tout le monde la fredonnait et l’apprenait par cœur, tellement elle était diffusée par les chaînes nationales de Radio Tunis et de la radio algérienne. A cette époque, les Tunisiens écoutaient beaucoup plus cette station périphérique voisine, car l’Algérie venait à peine d’obtenir son indépendance. Et faut-il rappeler des liens fraternels entre les deux peuples tunisien et algérien durant la bataille de libération des deux pays du joug colonial. Le disque 45 tours de « Kif rayi hemelni » se vendait comme des petits pains chez les disquaires qui existaient à Tunis. Les gens écoutaient également cette chanson dans les cafés populaires. On l’avait même retrouvée au bord de la mer où des baigneurs ne pouvaient pas se passer de l’écouter par tourne-disque interposé et soigneusement placé loin du sable, sous deux parasols jumelés ! Quelle belle époque !