On s’y attendait ! Le festival International du Film Francophone de Namur (du 27 septembre au 04 octobre 2024), vient de décerner les récompenses suprêmes au cinéma tunisien en accordant au film de Lotfi Achour « Les enfants rouges » le Bayard d’or du meilleur film ainsi que le Bayard de la meilleure photographie (Wojciech Staron). De même, le long métrage de la réalisatrice Meryam Joobeur « Là d’où l’on vient » a récolté le Bayard de la meilleure première œuvre.
Le cinéma tunisien vit actuellement ses meilleurs jours si on n’omet pas de mentionner un autre long métrage en route pour les Oscars « Take my breath » de Nada Mezni Hafaiedh, sélectionné pour représenter le pays à la 97ème cérémonie des Oscars qui aura lieu en mars 2025 à los Angeles. Restons au FIFF, la Tunisie est le seul pays francophone arabe à avoir participé au FIFF cette année aux côtés du Maroc présente avec un long métrage « Mon père n’est pas mort » d’Adil Fadili et du court métrage « Terre de Dieu » de Imad Ben Omar (Prix de la meilleure photographie à Akram Kbibchi).
Quant au palmarès, il s’annonce comme suit : Mention spéciale du Jury à « Niki » de Céline Sallette (France) ; Prix découverte à « Little Jaffna » de Lawrence Valin (France) ; Prix de la Critique et Prix de la meilleure interprétation (Malou Khebizi) à « Diamant brut » d’Aghate Riedinger (France) ; Prix Le Petit Agnès à « L’Amazone » d’Emilie Maréchal et Camille Meynard (Belgique) ; Prix RTBF à « Le Quatrième mur » de David Oelhoffen (France/Luxembourg/Belgique) . Enfin le Prix du public long métrage fiction et le Prix BeTV ont couronné « En fanfare » d’Emmanuel Courcol (France) qui a fait l’ouverture de la 39ème édition du Festival du Film International Francophone de Namur. Très intéressant !
« Les enfants rouges » de Lotfi Achour
Présenté en compétition dans la sélection officielle, le film de Lotfi Achour a été doublement primé. Il a cet avantage de toucher le spectateur et le plonger dans son univers pour l’originalité, la cohérence, le caractère émouvant et la beauté des images à vous couper le souffle. « Les enfants rouges » raconte une histoire tirée de faits réels survenus en novembre 2015, dans les bas fonds de la Tunisie, précisément dans la montagne de Mghila, région dextrement pauvre et isolée du Nord-ouest tunisien. Une histoire douloureuse perpétrée par des terroristes ayant attaqué deux jeunes bergers et décapité l’un d’eux. Achraf (13 ans) est astreint de rapporter la tête coupée de son cousin Nizar à la famille en guise de menace à tous ceux qui serviraient d’indicateurs pour les autorités. Celles-ci sont absentes dans le film malgré les dangers qui guettent des familles démunies, sans défense et livrées à leur propre sort.
Le réalisateur porte également la responsabilité aux médias tunisiens, « inefficaces » et « incompétents » dans ce drame qui frappe une région minée d’engins explosifs improvisés. Un drame magistralement filmé à partir du regard d’un enfant face à la mort, qui montre l’aspect le plus pourri et abject des terroristes. Mais aussi, le désarroi de ces hommes et de ces femmes attendant le transfert de la dépouille de leur fils. Le public tunisien verra t-’il « Les enfants rouges » à l’occasion des prochaines JCC ? Le réalisateur ne le sait pas encore. Il court de festival en festival pour présenter son film, ce soir au Sud-ouest de la France. Souhaitons- lui bonne chance !
« Mé El Ain » de Meryam Joobeur
Le Bayard de la meilleure première œuvre a été accordé à Meryam Joobeur pour son film « Mé El Ain » (Là d’où l’on vient). C’est l’histoire d’une famille vivant dans une ferme rurale et que le destin bouleverse suite au départ des fils aînés, Mehdi et Amine pour la guerre ou comme certains l’appellent, le « djihad » en Syrie. Partis par conviction ou suite à un lavage de cerveau, on ne le sait pas. On comprend en filigrane, que le chômage qui sévit dans la région et le caractère dur du père (Mohamed Hassine Grayaa), ont fini par avoir un impact décisif à la fois sur leur façon d’agir et sur leurs émotions.
Des deux frères, un seul revient après quelques mois des foyers de conflit, accompagné d’une femme mystérieuse enceinte portant le voile intégral. Un retour qui coïncide avec d’étranges événements dans le village d’où la difficulté parfois de discerner le réel de l’imaginaire. Avec « Mé El ain », la réalisatrice marque son retour au FIFF où elle a présenté en 2019 son court métrage «Brotherhood » primé dans de nombreux festivals et qui a inspiré son auteure à réaliser son premier long métrage. La toile de fond de « Là d’où l’on vient » ne repose pas au fait sur le départ des enfants à la guerre, plutôt sur les conséquences aussi bien physiques que psychiques par rapport aux parents, surtout la mère qui tient ici un rôle principal admirablement joué par Salha Nasraoui. Vivement la 40ème édition du FIFF (2025).