Imaginez une ville de 170 km de long, entièrement piétonne, sans rues et entièrement gérée par une intelligence artificielle, sans émission carbone, aux énergies renouvelables. On y circulerait pourtant à grand vitesse en métro ou en train roulant à 500 km/h. Tous les services seraient accessibles à pied en 5 minutes et les trajets les plus longs ne dureraient pas plus de 20 minutes. Un aéroport géant serait à proximité.
Cette ville qui abritera un million d’habitants, le prince héritier d’Arabie Saoudite vient de la présenter dans une vidéo faite d’images de synthèse. Il promet que les travaux débuteront au plus tard en 2022 et se termineront en 2050. Un projet chiffré à 100 ou 200 milliards de dollars par Arabian Business et financé par le Fonds souverain saoudien. 380 000 emplois seront créés.
La construction de cette cité futuriste rentre dans le cadre de Neom – nouvel avenir – qui, lui-même, fait partie du plan Vision 2030, initié en 2016. Neom, c’est le projet à 500 milliards de dollars d’une mégapole au bord de la mer Rouge, sur une surface de 26 000 Km2, carrément la superficie de la Bretagne, lancé en octobre 2017 par le prince qui proclamait alors « seuls les rêveurs sont les bienvenus ». Cette région du futur, faites de villes, de ports, de centres de recherche et de loisirs qui accueillera des gens venus du monde entier, devrait être à la pointe des technologies, incarner la nouvelle Arabie que MBS veut « modérée et ouverte ».
A Riyad et ailleurs, beaucoup doutent : MBS a regardé un film de sciences fiction et s’est dit c’est cool, ironise un journaliste du Times. «Mohammed ben Salmane pense que la construction de villes se fera de la même manière que dans les jeux vidéo. Il pense qu’avec ses absurdités, il met dans les médias qu’il fera l’histoire et se rendra glorieux », estime Walid al-Hathloul, le frère de la militante des droits des femmes Loujain al-Hathloul, arrêtée en mai 2018 et condamnée en décembre dernier à cinq ans et huit mois de prison
Ce commentaire rappelle que l’Arabie Saoudite demeure un pays qui ne respecte guère les droits de l’homme et qui reste un gros pollueur. En 2015, le royaume avait été accusé de freiner l’accord de Paris sur le climat. D’un autre côté, il faut souligner que MBS est conscient que son pays doit réduire sa dépendance au pétrole et se diversifier. La chute des cours et la pandémie ne font pas bon ménage avec ses vues futuristes. Les moyens financiers propres ne suffisent pas et le prince est de plus en plus contesté…
Le rallye Riyadh-Dakar qui s’est terminé hier à Djeddah avec la victoire en auto du français Stéphane Peterhansel (sa quatorzième) est passé par Neom, pas encore mégapole. Pour MBS, ce rallye doit contribuer à rehausser l’image de son pays.
F. Farès