L’année 2020, qui tire à sa fin, avec son lot de crises politique, économique et sociale, qui se sont particulièrement exacerbés par une crise sanitaire sans précédent, a été encore une fois un rendez-vous manqué. Rien n’a été fait ou presque pour remettre le pays sur la bonne trajectoire qui lui permet de retrouver un consensus politique improbable, une reprise de l’activité économique chancelante et une accalmie sociale, devenue plus que jamais un leurre.
Dix ans après la révolution de la liberté et de la dignité, l’on ne de cesse de constater les dégâts, les ratages, les hésitations et une certaine perte de confiance. Alors que le pays ne cesse de s’enfoncer dans des dissensions politiques improductives, des débats démagogiques à n’en plus finir, des défis sécuritaires graves, des difficultés économiques insoutenables et des tensions sociales annonciatrices de délitement de l’Etat, la majorité des acteurs se complait dans l’approximation, l’attentisme et les guéguerres interminables, occultant les vrais débats et les priorités qui préoccupent les tunisiens dans leur vécu quotidien.
L’éclaircie longtemps attendue se fait toujours attendre, tant les esprits ne se sont pas apaisés, la vision est incertaine et les pistes de sortie de crise semées d’embûches. La reconfiguration de la classe politique, au lendemain des élections présidentielle et législative de fin 2019, n’a pas changé, loin s’en faut, la donne. Les espoirs ont été vite déçues par la faute d’une classe politique prompte à tous les combats fratricides, d’un projet mobilisateur et de dirigeants capables de forcer le destin.
Résultat : la Tunisie politique reflète une image écornée avec trois centres de pouvoir en conflit ouvert, un pays ingouvernable, une classe politique en lambeaux et une quasi-absence de l’Etat. Ce dernier apparait incapable d’assumer ses missions essentielles que ce soit pour imposer l’ordre et le droit, mettre un terme à l’anarchie qui règne dans les différentes régions du pays ou donner des signes pour restaurer la confiance et l’espoir.
En dépit de l’étiquette d’indépendant qu’il porte, le gouvernement de Hichem Mechichi a multiplié les bavures et sa composition, peu homogène, est à l’origine du glissement du pays dans un cycle infernal de mouvements sociaux périlleux.
La solution du problème d’El kamour, prise avec une légèreté déconcertante, a été incontestablement le catalyseur d’un phénomène inquiétant qui met en péril l’unité nationale du pays, les fondements républicains tout en ravivant l’esprit tribal qu’on croyait à jamais révolu et hypothéquant la survie d’un gouvernement qui donne l’impression qu’il est dépassé par les événements.
Hormis la classe politique, la Tunisie donne l’impression qu’elle est trahie également par ses élites qui, au lieu de fournir des réponses, d’animer un débat public qui construit l’avenir et présente des perspectives, se fourvoie dans des pistes glissantes. L’effervescence qui sévit dans certaines corporations à l’instar de la justice, de la finance, de la douane et autres donne le froid au dos. Comment se fait-il que cette élite qui est au fait des difficultés inextricables que connait le pays, se trouve aux premières lignes de demandes sociales que rien ne pourrait justifier, si ce n’est leur propension à remuer le couteau dans la plaie d’un pays qui saigne ? En lieu et place de les trouver aux premiers rangs de ceux qui agissent pour sortir le pays de la crise qui le tourmente et appellent à l’impératif de l’unité et du sacrifice, on les voit ramer à contre-courant. Au lieu, enfin, de donner le bon signal, ils sont en train, par leurs errements, de donner raison à ceux qui font tout pour empêcher tout changement, toute réforme et tout fonctionnement normal des institutions.
A l’approche de la nouvelle année, la Tunisie donne l’impression d’un bateau ivre, balloté par des vagues, de plus en plus fortes, l’exposant à une menace existentielle.
Pour éviter ce triste sort, elle a grandement besoin d’une prise de conscience générale des défis qui la guettent et d’une union de toutes les forces. Ces prérequis exigent tout simplement de placer les intérêts du pays au-dessus de toute considération, de donner un sens au dialogue et au vivre ensemble. Aujourd’hui, iIl suffit de croire et d’agir pour épargner le pays les affres de l’inconnu.
Nejib Ouerghi