Jordan Bardella a écrasé électoralement Emmanuel Macron. Et celui-ci lui a aussitôt répondu en rouvrant la bataille politique hexagonale, avec la dissolution de l’Assemblée nationale. Ce que personne n’avait vu venir.
Le jeune leader du RN obtient entre 31,5 et 32% des suffrages pour ces élections européennes. Soit le double de la liste de Valérie Hayer pour le parti présidentiel Renaissance, créditée selon les sondages réalisés à la sortie des urnes de 15,2/15,5% des suffrages, contre 22,41% en 2019 aux dernières Européennes. Une très lourde défaite. Dans les deux cas, Renaissance est talonnée par la liste de Raphaël Glusckmann soutenue par le parti socialiste qui obtient entre 14 et 15%.
Jordan Bardella en a aussitôt tiré les conséquences, sommant Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale. Or le président français l’a pris au mot, plongeant la soirée électorale dans un scénario historique: pour la première fois, une élection européenne change la donne nationale immédiatement en France.
Après la prise de parole d’Emmanuel Macron, les dés ont été jetés par le locataire de l’Élysée. Les électeurs français retourneront aux urnes les 30 juin et 7 juillet, pour élire leurs députés. L’élection en France a lieu à deux tours, au scrutin uninominal (un candidat par parti et circonscription). Depuis les dernières élections législatives de juin 2022, la majorité présidentielle est seulement relative. Elle ne compte que 250 députés sur les 577 de l’Assemblée nationale, forçant le camp présidentiel au compromis où à l’utilisation de l’article 49.3 qui permet l’adoption de lois en urgence, sans débat parlementaire.
La donne politique issue des Européennes est sans équivalent. Pour la première fois de l’histoire politique française, l’extrême-droite totalise près de 40% des suffrages. Aux 31,5/32% de Jordan Bardella viennent en effet s’ajouter 5,5 à 6% pour la liste «Reconquête» conduite par Marion Maréchal. Au total, l’extrême-droite anti-Union européenne recueillerait donc 40% des suffrages alors que la participation a été forte pour un scrutin européen, aux environs de 52%. Il s’agit de la plus forte mobilisation électorale depuis vingt ans. Le Rassemblement national n’avait jamais dépassé les 30% dans une élection hors duel présidentiel. Marine Le Pen avait obtenu 33,90% en 2017 et 41,45% en 2022.
Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il décidé de prendre la parole alors que ce scrutin européen n’a, en théorie, pas d’impact sur la donne politique nationale? Parce qu’il estime que continuer ainsi n’est plus possible. Le président, qui recevait Joe Biden samedi à Paris, répète depuis des semaines que «l’Europe est mortelle». Le retour aux urnes est donc supposé trancher dans le vif et tester la volonté de ses compatriotes de donner ou non les clés du pays au Rassemblement national. En sachant que la constitution française donne au président la possibilité de rester même en cas de défaite de son camp aux législatives et de la perte de majorité. «Je n’ai pas l’âme à la fête» a pour sa part riposté le leader de la gauche sociale-démocrate Raphaël Glucksmann, désormais meilleur espoir de son camp politique avec cette troisième place qui devrait lui permettre d’envoyer à Strasbourg une quinzaine d’eurodéputés.
Les mots de victoire de Jordan Bardella
«Les Français ont rendu leur verdict et celui-ci est sans appel, dans un scrutin où le pouvoir aura jeté toutes ses forces dans la bataille» a commenté Jordan Bardella, dont la délégation parlementaire à Strasbourg sera composée de 29 à 31 eurodéputés, soit la plus importante de l’extrême-droite européenne. «Ce message clair adressé à Emmanuel Macron montre la volonté des Français de voir l’Union européenne changer d’orientation vers plus de démocratie. Ils ont exprimé leur attachement à la France, à son identité, à sa sécurité et le soutien à une Europe des nations […]. Nous sommes au jour 1 de l’après Macron qu’il nous appartient de rebâtir.»
Autres résultats
Le parti Vert, avec 5,2% des voix, obtient in extremis des élus au parlement de Strasbourg. A gauche, bonne surprise pour la France Insoumise, le parti de Jean-Luc Mélenchon, qui obtiendrait 10%.
Le Parti conservateur «Les Républicains» plafonnerait autour de 7%, alors que le parti populaire européen, fédération des droites traditionnelles, resterait en tête du scrutin au niveau européen.