Lotfi M’Raihi est cet homme qui vous interpelle alors que vous déroulez l’actualité sur votre téléphone, par une simple vidéo posté sur sa page Facebook. M’Raihi avec son franc parler et son apparence « décontractée », éveille vos neurones, las de la médiocrité environnante.
Directe, sans concessions, l’homme tord le cou aux convenances pour livrer sa vérité dans un pays aux prises avec l’une des plus graves crises de son histoire.
Malgré une image de leader crédible et un score honorable à la dernière présidentielle, vous ne décollez pas dans les sondages et semblez faire du sur place. Comment expliquez-vous cela, et d’abord que pensez-vous de la pratique des sondages d’opinion, pratique récente dans la vie politique mais qui jouissent de l’intérêt des acteurs politiques ?
Franchement je n’accorde aucun intérêt au sondage ni à l’opinion publique. Le résultat du vote aux différents scrutins dont particulièrement celui de 2019 a montré combien l’opinion publique était versatile et superficielle. Je pense que l’immaturité populaire est la principale cause de notre marasme et de notre échec. Ceci n’exclut absolument pas la classe qui se considère éclairée et avertie. Elle même s’est ostentatoirement impliquée dans des pseudos querelles dites identitaires et de modèle sociétal alors qu’il n’en est rien. Je ne suis pas un politicien de métier. D’ailleurs, je considère la politique comme un engagement personnel à durée limitée. Ce qui m’a amené à prendre de la distance de la scène et de ses joutes. J’interviens en tant que patriote et âme et conscience mais au jour d’aujourd’hui je ne sais vraiment pas si j’ai encore envie d’être un acteur au milieu de tant de médiocrité.
L’Union populaire républicaine(UPR), le parti que vous avez fondé en 2011 en le définissant comme néo- bourguibien, on ne le voit ni ne l’entend beaucoup sur la scène nationale malgré ses 3 députés et une certaine estime auprès de l’opinion.
Commençons par le néo-bourguibien, si vous voulez bien étayer ce concept.Cette expression était le fruit de l’imagination d’un de vos confrères qui a peut-être cru bien faire en extrapolant l’estime que j’avais exprimé pour Bourguiba en tant que personnage historique en nous taxant de néo-bourguibiste. İl faudrait d’abord qu’existe le bourguibisme lui-même. Or, Bourguiba qui a été un patriote et un animal politique n’a jamais été un doctrinaire. Si le Bourguibisme veut dire patriotisme, identité nationale et souveraineté alors nous y adhérons avec force. Mais vous conviendrez que ceci ne peut nullement constituer ni une démarche intellectuelle ni un mode de gouvernance.
Dans une récente vidéo que vous avez postée sur votre compte Facebook suite aux décisions exceptionnelles prises par le Président Saied, vous avez exprimé votre déception face au bon accueil réservée par la rue aux mesures entre autres de geler le Parlement, de dissoudre le gouvernement et de démettre son Chef. Vous êtes allé jusqu’à dire que « nous[Tunisiens] ne sommes pas encore mûrs pour la démocratie ». Maintenez-vous cette opinion et gardez-vous encore ce goût de cendre à la bouche ?
Goût de cendre! Celà suppose de l’amertume. Je ne suis ni amer ni déçu. Je suis dans le constat en prenant la distance nécessaire. Le pouvoir pour moi n’est pas une finalité. C’est pour cela que j’ai décliné les offres répétées de portefeuille ministériel. Mon rêve est de faire décoller mon pays. J’estime sans fausse modestie avoir la carrure intellectuelle et la détermination nécessaire pour conduire cette émancipation. Je constate par ailleurs que je suis en décalage par rapport à la majorité des tunisiens. Nos routes ne se croisent pas pour l’instant et rien ne garantit que cela risque de se produire dans le futur immédiat et peut-être jamais. Je prends de la distance et j’observe. Beaucoup de préceptes et de concepts sont loin d’avoir été compris et assimilés par les tunisiens car ils n’ont pas été acquis de haute lutte. La citoyenneté, la République, la vie démocratique et les institutions sont autant de fondamentaux que beaucoup de nos concitoyens dénigrent souvent par méconnaissance. Mes propos peuvent choquer, mon constat va à l’encontre du politiquement correct mais comme je vous l’ai dit je suis un homme libre car libéré des petites ambitions. Je n’ai pas besoin d’être aimé et je ne suis pas sûr d’avoir encore envie de me soumettre au jugement et à l’appréciation de l’électeur.
Quelle réponse apportez-vous à ceux qui vous accusent d’être parti guerroyer contre Kais Saied ?
Je n’ai aucune estime pour Kais Saied en tant que valeur intellectuelle ou prédisposition à exister dans le paysage politique. Je pense que c’est une personne dont l’ambition déborde largement les capacités et c’est un crime de ne pas avoir les moyens de ses ambitions. La question essentielle n’est pas celle-là mais plutôt comment le plus mauvais des candidats à la présidentielle a pu être choisi sans faire campagne. Seule une personne dénuée de toute capacité de jugement est incapable de constater ce qu’est Kais Saied. Certains pourraient être amenés à croire que je suis animé d’un ressentiment car j’ai été battu à la présidentielle. Aucunement. Je n’avais pas d’atouts autres que mes qualités personnelles et je n’étais pas parti pour être dans le peloton de tête.