Quinze jours après le limogeage de Mechichi, décidé dans la foulée des décisions exceptionnelles qu’il a prises le 25 juillet, Kaïs Saied n’a toujours pas nommé le chef de gouvernement.Il y a encore deux jours Emmanuel Macron, président de la république française, premier partenaire économique du pays, l’invitait à le faire dans les meilleurs délais. Avant lui, l’administration américaine et d’autres capitales occidentales avaient déjà lancé le même appel.Pour réponse, les proches de Saied expliquent qu’il prend le temps de bien réfléchir pour éviter de faire un mauvais choix, allusion claire à Hichem Mechichi.Voire!
Mais pourquoi Kaïs Saied se hâte-il lentement pour combler un poste vacant de l’importance du chef de gouvernement?
Les vraies raisons semblent nombreuses, même si elles ne sont pas annoncées.
Il y a d’abord, comme nous l’avons écrit précédemment, le désir de démontrer qu’il est maître de sa décision et qu’il n’obéit pas aux injonctions.
Il y a aussi la volonté de démontrer qu’il contrôle totalement la situation malgré l’absence d’un chef de gouvernement, voire d’un gouvernement, afin que l’on sache, le prochain chef de gouvernement en tête, qu’il n’y aura désormais qu’un président dans le pays:le Président de la république.
Enfin, il y aurait une autre raison qui explique la temporisation du Président dans la nomination du nouveau chef de gouvernement.Et c’est peut-être la raison principale.
En effet, on chuchote dans les cercles proches du Président qu’il aurait pris la décision de nommer une femme à la tête du gouvernement et que l’officialisation de cette décision aurait lieu le 13 août, jour de la Fête de la femme tunisienne qui commémore la promulgation du Code de statut personnel décidé par Bourguiba en 1956. Si cette rumeur se confirme et qu’une femme est nommée à la tête du gouvernement, Saied aura fait d’une pierre deux coups.
Un, il aura marqué l’Histoire-termes qui lui sont chers depuis le 25 juillet-en étant le premier président tunisien à nommer une femme à cette responsabilité majeure.
Deux, il récupérera l’essentiel de la mise politique liée à cet date et sa force symbolique, et affaiblira dans le même temps l’argument de ses détracteurs qui le taxent de conservatisme en rappelant qu’il est opposé à l’égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme, projet phare du défunt Caïd Essebsi.
Reste maintenant à savoir qui serait l’heureuse élue à la tête du gouvernement d’après 25 juillet. Bien que plusieurs noms sont avancés, les regards se tournent vers Nadia Akacha, l’actuelle ministre- directeur du cabinet présidentiel et femme de confiance du Président qui assiste à toutes ses réunions et l’accompagne dans tous ses déplacements.
Chef de gouvernement ou Premier ministre? Quelle que soit la dénomination qu’il lui donnerait s’il la choisissait à ce poste, Kaïs Saied sera sûre qu’elle lui sera fidèle et ne lui ferait pas de l’ombre. C’est d’abord cela qui compte à ses yeux.
Mohcen Lasmar