La loi de Finances 2021 a été approuvée par 110 députés, soit juste un de plus que la majorité requise. La scène politique, née des élections d’Octobre 2019, brille par son instabilité. Du jamais vu en Tunisie, même après sa révolution.
Il s’affirme donc, avec ce dernier vote, fatidique pourtant, que l’alliance, que peuvent former les islamistes d’Ennahdha, ne saurait dépasser 110, voire 115 députés, au mieux, sur les 217 membres de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).
Ce seuil se situe très loin de la majorité des 145, requise pour nommer les membres de la Cour constitutionnelle ou ceux de l’Instance des élections (ISIE), échéances à l’ordre du jour de l’ARP. L’avenir du Pouvoir législatif semble donc très flou au cours de cette législature.
La tension sociale secoue le pays, aussi bien par les chômeurs, diplômés ou pas, ou par les requêtes des populations déshéritées, dont la situation ne s’est pas améliorée durant cette première décennie de la Révolution. Pourtant, ce sera bientôt le dixième anniversaire de la chute de Ben Ali.
La Tunisie vivait certes en pleine crise socioéconomique durant la fin de règne du dictateur, notamment les zones déshéritées. Toutefois, 10 ans de révolution n’ont pas amélioré les choses. Loin de là, la crise s’est accrue, surtout durant les trois dernières années.
Aucun gouvernement, parmi la douzaine successive, n’a osé débattre le fond, ou même la forme de la question de la compensation, sans parler d’une nouveau schéma de développement. Chacun s’installe à la hâte pour préparer une Loi de Finances, initiale ou complémentaire, promet des rectifications et part avant de les réaliser.
Hichem Mechichi n’est pas sorti de ce modèle. Il est arrivé avec la pression d’une Loi de Finances complémentaire, pour boucler le Budget 2020, qui n’a pas été facile à faire passer. Il avait fallu l’acceptation par la Banque centrale de sauver le gouvernement, en acceptant d’accorder des facilités au profit du Trésor public de 1,13 milliard de dollars (2,8 Milliards de Dinars) sur une période de 5 ans.
Ladite Loi n’a été adoptée que par 96 voix favorables, une 1ère dans les Anales de l’Assemblée en Tunisie, tant le paysage politique n’a jamais été aussi divisé. Rebelote avec la Loi de Finances 2021, qui n’a réuni que 110 voix. Une loi votée sous la pression des délais constitutionnels et ancrant davantage cette logique d’endettement, sans aucun nouveau schéma de développement.
Sept Milliards de dollars (18 milliards de dinars) sont prévus comme sources d’emprunt, ce qui constitue près de 35% de ce Budget 2021. Et, encore une fois, comme ses prédécesseurs, Mechichi a promis une loi de finances complémentaire, pour corriger le tir, dans les trois mois.
Un petit bilan de la décennie écoulée montre que, jusqu’en 2014, l’économie résistait avec les dons des bailleurs de Fonds étrangers et leurs garanties diverses des sorties sur le marché financier international. Américains, Japonais et Allemands ont tendu la main à la Tunisie pour des sorties aux moindres coûts.
Toutefois, ce n’est plus le cas puisque, aussi bien les grandes puissances, que le Gouverneur de la Banque Centrale tunisienne (BCT), n’approuvent pas la politique économique du gouvernement. Le Gouverneur Marouane Abbassi critique ouvertement les choix des gouvernants qui s’empruntent pour payer les salaires ou financer les compensations diverses.
Il s’affirme, de plus en plus, qu’aucune perspective claire n’est en vue sauf plus d’endettement pour les générations futures, avec près de 37 Milliards de Dollars (99 Milliards de Dinars) de total de prêts, soit l’équivalent de 100% du PIB. Pas très reluisant pour une économie émergente dont le taux de croissance ne parvient pas à décoller. Il a été inférieur à 02 % durant toute cette décennie, avec un taux négatif de 07,3 % en 2020.
Les perspectives économiques sont d’autant plus incertaines avec l’instabilité politique marquant la situation tunisienne. Hichem Mechichi navigue à vue. Il ne dispose pas de majorité gouvernementale. Il s’allie avec les partis politiques, selon les circonstances, lui qui a été appelé par le Président de la République, Kais Saied, pour contrecarrer les partis.
Aujourd’hui et à force de jongler, Mechichi a beaucoup de Monde sur le dos. D’abord, le Président Saied ne saurait ignorer que l’inconnu Hichem Mechichi, qu’il avait nommé conseiller, puis ministre de l’Intérieur, puis Chef de Gouvernement, a mis la main avec Qalb Tounes, alors que le Président l’a nommé pour ‘extirper la corruption et les corrompus’.
Ensuite, les partis de l’opposition, notamment Chaab et le Courant démocratique, ne pourraient oublier que Mechichi les a ignorés lors de la promulgation de la Loi des Finances 2021, alors que ces partis le soutenaient quand il était ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Fakhfakh.
Enfin, le chef du gouvernement aura à faire face aux exigences de la coalition qui l’a soutenu, notamment un éventuel remaniement ministériel pour les satisfaire. Début Septembre, Ennahdha, Qalb Tounes et Qarama étaient contraints à lui accorder leur confiance, pour éviter de dissoudre l’ARP. Une situation vraiment kafkaienne. L’avenir de l’ARP est sujet à tous les scénarios, de la dissolution au chaos.