Le constat
Il était un temps où le secteur des T.IC était quasiment en totalité dans les mains de l’administration : Législation, régulation, télécoms, informatique, etc.
Il était alors possible à l’État de s’appuyer sur les opérateurs du secteur pour gérer la situation du plus près : Exploitation de l’infrastructure, son évolution et sa maintenance, grands chantiers informatiques, … Les choses allaient alors plus ou moins bien, au moins en ce qui concerne l’état de l’infrastructure.
Bien intentionné ou pas (ceci est une autre question), l’État suivit le courant de l’ouverture et la globalisation, intégra les conventions internationales de libéralisation dans certains secteurs.
Tunisie Télécoms (TT)
Le secteur des télécoms fut l’un des plus impactés par cette politique : Ouverture du capital de Tunisie Télécoms au privé, attribution de licences d’exploitation des réseaux mobiles à des investisseurs internationaux, etc.
Cette situation, qui renfloua à l’occasion les caisses de l’État, n’a pas tardé à se retourner contre l’économie nationale, fragile et peu compétitive dans le domaine.
En effet, Tunisie Télécoms, n’obéissant plus à la seule volonté de l’État Tunisien, qui était son seul investisseur, perdit petit à petit sa responsabilité sur l’état de l’infrastructure. La pression des investisseurs étrangers, pour libérer son système de gestion des contraintes administratives, en fait aujourd’hui une entreprise qui s’éloigne progressivement de son rôle de service public. Mais ceci n’a pas suffit à la transformer en entreprise efficace et rentable.
Sur le terrain du positionnement concurrentiel et de la réputation, on se rend compte à la moindre analyse, que l’entreprise peine à se faire une image moderne, à proposer une offre innovante et de qualité à ses clients.
Sur le plan de la qualité des services et de la communication, tout un chacun auquel vous parlerez du sujet ne manquera pas de vous étaler les déboires qu’il endure avec l’entreprise.
Sur le même échiquier, les entreprises concurrentes, pilotées par des staffs internationaux, qui travaillent aux normes internationales, et rétribués pour les résultats qu’ils réalisent, bousculent tous les jours un peu plus l’entreprise mère, qui traîne son boulet-infrastructure qui la tire vers le bas, et une situation sociale des plus contraignantes.
Ainsi, on aura créé l’environnement favorable à la dégradation d’un service public majeur, comme il est le cas dans d’autres secteurs (transport, commerce, …).
Le Centre national de l’Informatique (CNI)
L’autre formule gagnante de la Tunisie dans le domaine était la position qu’occupait le Centre National de l’Informatique (CNI) dans le paysage administratif.
Quand il était sous la tutelle du premier ministère, la planification, la programmation et la budgétisation des chantiers informatiques nationaux faisaient partie du budget de l’État par le biais des budgets des ministères. Le CNI était alors l’organe chargé de la réalisation des projets, sous l’oeil vigilant du premier ministère.
Mais, il y a quelques dizaines d’années, les ministères les plus consommateurs d’applications informatiques furent autorisés à créer leur propre centre de calcul : Ministère des finances, Ministère de la santé, Etc. La planification générale et coordonnée disparut alors du paysage et la situation stagna depuis ce moment-là jusqu’à nos jours.
Aujourd’hui, les ministères qui se sont appropriés leur centres de calcul continuent tranquillement leur chemins. Quant au reste des services de l’État, Internet et l’engouement qu’il a apporté a voilé la paysage par des pages Web faites pour le « FUN ». Un paysage désolant se dévoile alors vite quand on passe la barrière du voile : Des systèmes d’information archaïques, sans intégration ni communications entre eux. Des systèmes techniques disparates et sans coordination en termes de standards et normes ; qui sont deux éléments majeurs pour une intercommunication efficace et aisée des systèmes (Condoléances aux pionnier(e)s de l’idée de l’« ADMINISTRATION COMMUNICANTE ! »).
La modification du statut administratif du CNI, même si pragmatiquement elle visait à lui donner l’occasion d’améliorer sa gouvernance et son autonomie, aura créé une brèche béante dans la modernisation de l’administration, qui n’a jamais été comblée.
L’infrastructure (Télécoms, téléphonie mobile Internet et Informatique)
Il fut un temps où on parlait de Réseau Inter-Ministériel (RIM1 et RIM2). C’était il y avait très longtemps. Des projets qui, malgré les échecs qu’ils avaient enregistré, disaient beaucoup sur la stratégie de l’État dans le domaine en ce moment-là et le niveau de qualification de ceux qui proposaient les idées. C’était le temps où Tunisie Télécoms était un outil de l’État pour le progrès et la mise à niveau de l’administration.
Aujourd’hui, des dizaines d’années plus tard, on est encore au stade de la proposition des ces mêmes idées, sous de nouvelles appellations et projets. Et pour que l’attention soit déviée des objectifs réels, on focalise sur des projets dont l’utilité est pratiquement nulle pour le pays : On encourage ainsi la 5G sous la pression des lobbies et fabricants, de politiciens locaux qui ignorent de quoi il s’agit et de politiciens étrangers dont l’intérêt du pays est le dernier de leurs soucis.
Enfin, dans les domaines de l’internet et de l’informatique, qui impactent directement l’enseignement, l’emploi, la modernisation de l’administration … et la sécurité nationale, le secteur donne l’air d’être abandonné à son sort malgré tout l’argumentaire et les discours circonstanciels de quelconques responsables et politiciens pauvres en visions et solutions utiles pour le pays.
Des espoirs subsistent néanmoins :
– Un secteur privé des TIC qui joue son rôle économique, même s’il s’oriente de plus en plus vers la sous-traitance pour l’étranger, à l’image du secteur du textile il y a plusieurs décennies, sauf que les ressources humaines sont loin d’être similaires.
– Un secteur de l’enseignement et de la formation privés, qui s’adaptent agilement à l’évolution des technologies et évoluent avec elles.