Par Docteur Mohamed Ghannem*
Pour résoudre la crise qui secoue la Tunisie, il faut procéder à un classement par ordre de priorité. Tout le monde s’accorde à dire que la priorité est avant tout socio-économique. Or la solution qu’on veut lui donner est toujours d’ordre politique.
Une solution politique est actuellement impossible, En effet le Président Kais donne la priorité absolue à l’instauration de « son régime politique », et qualifie sans cesse, ses opposants de corrompus et de traitres. Quant à l’opposition, elle est fortement divisée et qualifie le Président d’« illégitime ». En attendant la population souffre, et le pays est au bord de la faillite.
Alors devant ce constat, quelle serait la solution ?
Au préalable, il faut rappeler les étapes successives de la crise qui traverse la Tunisie :
- Le 13 octobre 2019, Kais Saied est élu Président de la République de façon démocratique. Cette élection intervient sous l’auspice de la constitution de 2014, qui lui octroie le pouvoir dans les domaines de la défense et des Affaires Étrangères.
– Le 25 juillet 2021, le Président Kais Saied suspend le parlement (ARP -Assemblée des représentants du peuple), et dissout le gouvernement, en application de l’article 80 de cette même constitution. Cette décision a été diversement appréciée. Certains l’ont qualifiée d’illégale, d’autres de coup d’état « constitutionnel ou non ». Mais beaucoup l’ont applaudie et approuvée. – Le 22 septembre 2021, le Président Kais Saied adopte et publie au journal officiel de la République Tunisienne le décret numéro 117 qui lui attribue tous les pouvoirs (l’exécutif, le législatif et même le judicaire) au motif de sauver le pays. Un an et demi plus tard, la situation sociale, économique, et politique devient catastrophique.
Constat
Cet échec cuisant devrait entrainer l’annulation de ce décret 117, pour laisser place à un gouvernement indépendant qui aura pour seul objectif de sortir le pays de la crise économique. Ce gouvernement devrait être mis en place en concertation avec les compétences économiques et en accord avec l’UGTT et de l’UTICA…Il doit s’atteler à créer des projets économiques à même d’attirer les investisseurs. Mais le Président Kais Saied, reste « droit dans ses bottes », indifférent aux contestations. Il croit toujours tenir sa légitimité du peuple. Il continue, contre vent et marée, à œuvrer à la mise en place de son projet politique.- Le 13 décembre 2021, le Président propose au débat politique son nouveau régime politique. Pour ce faire, il organise :- Une consultation (istichara), à laquelle ne participe que 5% de la population tunisienne, sur un corps électoral de 9%. – – Un referendum (istiftaa), auquel ne participe que 23 %, du corps électoral. – Un premier tour d’une élection législative, organisé le 17 décembre 2022, auquel ne participe que 11.2 % du corps électoral.
Abstentions
Ces faibles taux de participation malgré l’investissement personnel du Président prouvent, si besoin est, que les Tunisiens ne veulent pas de ce nouveau régime politique, qui leur est proposé. Ces abstentions successives ne peuvent, en toute logique, que faire perdre au Président sa popularité, voir sa légitimité.
Confusion
Rappelant que le Président, après avoir jeté aux orties la constitution de 2014, il a adopté seul une nouvelle constitution, et une nouvelle loi électorale. Il a instauré une nouvelle ISIE (Instance Supérieure Indépendante pour les Élections), qui s’est accaparé les prérogatives de la HAICA, (Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle). De surplus, Il a appelé à la Télévision nationale les Tunisiens à aller voter en masse. Malgré toutes ces démarches les Tunisiens ont déserté les urnes.
Solution
En conclusion, à mon humble avis, il faut rapidement :
– Annuler le décret 117, qui a aggravé, en un an et demi, la situation, politique, économique et sociale.- Renoncer au projet politique du Président, rejeté par les Tunisiens.
– Désigner un gouvernement indépendant, qui aura pour seul objectif sortir la Tunisie de sa crise économique,- Organiser des élections présidentielles et législatives anticipées. -Sans projets économiques il sera difficile de faire revenir les Tunisiens aux urnes.
*Docteur Mohamed Ghannem, cardiologue à Paris, et ancien député à l’ARP (assemblée des représentants du peuple) de 2014 à 2019.