Alors que l’Ukraine a accepté, mardi 11 mars, un cessez-le-feu de 30 jours, tous les regards se tournent vers Moscou. Mais le Kremlin semble jouer la montre avant de donner sa réponse. Une stratégie qui s’appuierait sur un document confidentiel, rédigé en février par un groupe de réflexion travaillant avec le Service fédéral de sécurité russe (FSB), division qui supervise les opérations en Ukraine, et qui rejette toute paix rapide. Selon ce texte, aucune «résolution pacifique de la crise ukrainienne ne peut intervenir avant 2026.» La paix en 100 jours de Donald Trump semble s’éloigner.
Obtenu par un service de renseignement européen et analysé par le «Washington Post», ce document détaille les exigences maximalistes de Moscou pour mettre fin au conflit. Parmi elles: affaiblir la position de négociations des Etats-Unis en exacerbant les tensions entre l’administration Trump et ses alliés internationaux.
L’Union européenne en fait également les frais. La Russie s’oppose fermement à l’envoi d’une force de maintien de la paix en Ukraine et exige la reconnaissance de sa souveraineté sur les territoires conquis.
Un nouveau découpage
Le rapport prévoit un nouveau découpage de l’Ukraine, avec une zone tampon dans le nord-est et une zone démilitarisée dans le sud, près de la Crimée, affectant notamment la région d’Odessa. L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est exclue, tout comme le maintien du gouvernement de Volodymyr Zelensky. Moscou exige même la participation des partis prorusses aux futures élections ukrainiennes.
Interrogé sur ce document explosif, Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a déclaré ne pas être au courant, qualifiant ces recommandations d’«extrêmement contradictoires». Pourtant, un universitaire russe proche des hauts diplomates de son pays confie au «Washington Post» que ce texte reflète bien le consensus dominant à Moscou.
La stratégie russe en marche?
Malgré le démenti du Kremlin, certains éléments du document semblent déjà appliqués. La Russie chercherait à exacerber les tensions entre Washington, la Chine et l’UE, notamment en offrant à l’administration Trump un accès aux précieuses terres rares russes – y compris celles situées dans les territoires ukrainiens annexés.
Le 24 février, Vladimir Poutine a d’ailleurs suggéré que Moscou pourrait ouvrir ses gisements de minéraux stratégiques aux entreprises américaines. Autre preuve de la mise en œuvre de ce plan: le rétablissement des effectifs diplomatiques complets entre les Etats-Unis et la Russie, évoqué lors d’une rencontre entre responsables russes et américains à Istanbul, le 27 février.
Pas de main tendue à l’Ukraine
La Russie semble tout de même prête à quelques concessions, mais elles visent davantage les Etats-Unis que l’Ukraine. Selon le document, Moscou accepterait de ne pas déployer de missiles balistiques en Biélorussie, à condition que Washington s’engage à ne pas installer de nouveaux systèmes de missiles en Europe. La Russie promet également de ne pas fournir d’armes aux ennemis des Etats-Unis… à une seule condition: que le pays de l’Oncle Sam cesse d’armer l’Ukraine.
Boris Bondarev, ancien diplomate russe basé à Genève, décrypte cette posture: «Poutine cherche à séduire Trump en affichant une flexibilité apparente. Il veut se présenter comme un allié, un ami qui comprend ses objectifs et l’aide à les atteindre aux Etats-Unis. Mais bien sûr, il attend quelque chose en retour.»
En clair, la Russie ne tend pas la main à l’Ukraine. Elle tend la main à Washington… ou referme un piège calculé, en attendant de voir si Donald Trump mordra à l’hameçon.