Donald Trump a réclamé vendredi la suppression pure et simple de l’Agence américaine pour le développement international, l’USAID, ce qui constitue selon son ancienne patronne «l’une des pires et plus coûteuses bourdes de politique étrangère de l’histoire américaine».
La grande agence humanitaire du gouvernement américain, dont l’aide est indispensable pour des millions de personnes à travers le monde, va voir ses effectifs passer de quelque 10’000 salariés à moins de 300. Ce quasi-démantèlement effectué sous l’impulsion du multimilliardaire Elon Musk n’est visiblement pas suffisant pour son président. «La corruption» chez USAID «est à des niveaux jamais vus. Il faut la supprimer!», a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social, le tout en majuscule. «Oui, M. le président!» a répondu M. Musk, homme le plus riche du monde chargé par le président américain de tailler à tout-va dans les dépenses publiques.
L’USAID a concentré ces derniers jours les attaques du nouveau pouvoir américain. L’agence participe à l’aide humanitaire et l’aide au développement dans quelque 120 pays, y compris les plus pauvres du monde.
«Des millions de vies» en péril
Cette dissolution de fait constitue «l’une des pires et plus coûteuses bourdes de politique étrangère de l’histoire américaine», a tonné vendredi son ancienne cheffe Samantha Power dans une tribune au New York Times. Cette décision «met en péril des millions de vie, des milliers d’emplois aux Etats-Unis (…) et compromet gravement notre sécurité nationale et influence dans le monde», a martelé celle qui a dirigé USAID pendant le mandat du démocrate Joe Biden.
Les dirigeants «extrémistes et autoritaires se réjouissent» de cette décision, insiste cette ancienne ambassadrice à l’ONU, décrivant l’agence comme «un exemple efficace de ce qui distinguait les Etats-Unis de nos adversaires» dans le monde. Le chef de la diplomatie britannique David Lammy s’est dit vendredi «inquiet» de la possibilité que la Chine ou d’autres pays profitent du désengagement américain. Le gel quasi-intégral de l’aide américaine à l’étranger, puis le démantèlement progressif de l’agence cette semaine, a provoqué une onde de choc dans le monde de l’humanitaire, bien au-delà de Washington.
«Fous radicaux»
Ses plus de 40 milliards de dollars de budget constituent à eux seuls 42% de l’aide humanitaire déboursée dans le monde. Aux Philippines, une ONG a confié à l’AFP se trouver «dans l’incertitude totale» quant à la poursuite de son action, faute d’avoir reçu notamment des vaccins contre la tuberculose ou encore des fonds dédiés aux victimes de violence. Au Mozambique, dans une zone où sévit une insurrection liée au groupe Etat islamique, des opérations de «relance agricole» destinées à sortir des milliers de déplacés de cette crise humanitaire sont «mises en pause», a dit à l’AFP l’ONG Solidarités international.
Mais pour Elon Musk, qui jouit d’une immense influence sur la nouvelle administration de Donald Trump, l’USAID est un «nid de vipères de marxistes (…) qui détestent l’Amérique», le président estimant lui qu’elle est dirigée par «une bande de fous radicaux». Les deux hommes ont multiplié les décisions fracassantes pour réduire la place de l’Etat fédéral et tailler dans les dépenses publiques, quitte à ce que leurs décisions soient contestées devant les tribunaux, et parfois suspendues. Un syndicat représentant des fonctionnaires de l’USAID, l’AFSA, a annoncé jeudi soir contester la cure radicale d’amaigrissement de l’agence, estimant qu’une telle décision relève du pouvoir législatif du Congrès, et non de l’exécutif.