Par Sayda BEN ZINEB
Comme on l’a déjà annoncé, la Tunisie figurait parmi les pays dans la course au Bayard d’Or du FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur, Belgique), avec le long métrage de Mohamed Ben Attia, « Les ordinaires » (Oura el Jbel/ Behind the Mountains). Un film très particulier qui sort du lot et c’est dommage qu’il n’ait pas reçu de prix car il en méritait au moins un, celui de la photographie. Les montagnes du Nord-Ouest tunisien, remplies de verdure contre un ciel bleu sont filmées dans toute leur splendeur et offrent des paysages à couper le souffle. Rappelons que la direction de la photographie a été confiée au Belge Frédéric Noirhomme alors que la musique est signée, Olivier Marguerit, auteur, compositeur interprète français.
Entre violence et tendresse
Le réalisateur Mohamed Ben Attia a été à nouveau dans la sélection namuroise. Son premier film « Hédi, un vent de liberté » remporte le prix du meilleur premier film et l’Ours d’argent du meilleur acteur à la Berlinale en 2016, et est sélectionné en compétition Première œuvre au FIFF. Son second long métrage « Weldi » (Mon cher enfant) est passé à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en 2018, a décroché le grand Prix du Festival Arte Mare à Bastia, puis présenté en compétition officielle au FIFF. Quant à son troisième long métrage « Les ordinaires », il a été présenté en sélection officielle, Section Orrizonti à la Mostra de Venise 2023 avant d’arriver à Namur.
Interprété par Majd Mastoura, (dans le rôle principal du père), Samer Bisharat, (acteur palestinien dans le rôle du berger), Walid Bouchhioua, (dans le rôle de l’enfant), Selma Zeghidi et Helmi Dridi (dans le rôle du couple pris en otage avec leurs enfants), le film est l’histoire d’un homme mal dans sa peau, têtu, en rupture avec sa famille et son milieu, violent en apparence mais très tendre au fond, accessible à l’émotion, à l’amour, à la pitié…
Après avoir écopé de 4 ans de prison pour avoir saccagé son lieu de travail (un Centre d’appel), Rafik (Majd Mastoura) n’a qu’une idée en tête, retrouver sa femme et son fils, les emmener loin pour leur montrer ce qu’il a découvert : son don de s’envoler. Devant l’incrédulité de sa femme et la résistance de sa belle famille, Rafik fait irruption à l’école et kidnappe son fils. Pendant leur cavale, ils font la connaissance d’un berger et se réfugient dans une maison à la campagne où l’histoire tourne au drame.
Des questions en quête de réponses
Dans le film, on passe subitement d’une scène de violence dans un lieu de travail à des moments de complicité entre un père et son fils ; un père qui veut se surpasser et montrer ce dont il est capable avec son action de voler entre les montagnes, et un fils qui n’en croit pas ses yeux. De même, on ne sait pas grand’ chose sur Rafik et les motifs qui l’ont poussé à commettre ce forfait. Est-ce par désespoir, par manque de confiance en soi même ou pour marquer son refus à une société qui n’a d’égard que pour les personnes « bien intégrées » et qui répondent « aux normes » ? De même, que représente exactement le personnage du berger qui a choisi de suivre le père et le fils en cavale ? On ne sait pas non plus qui est-il ? Est-ce vraiment un criminel (un terroriste) qui, en fuyant la justice s’est réfugié dans les montagnes ? Ou simplement un pauvre berger au regard hagard, égaré, perdu par la peur, la souffrance…? Des questions qu’on aurait aimé poser au réalisateur Mohamed Ben Attia qui hélas, pèche cette année par son absence au FIFF.