Cette chanson a 50 d’âge, mais aucune ride. Comme si elle venait à peine de naître de l’inspiration du grand auteur-compositeur- interprète algérien Abderrahmane Amrani, connu sous son nom de scène Dahmane El Harrachi.
Inspirée par le grand mouvement d’émigration maghrébine vers l’Europe et particulièrement la France eu égard aux relations historiques complexes entre l’Algerie et l’ancienne puissance coloniale, cette chanson a connu dès sa sortie en 1973, un franc succès qui n’est pas près de tomber. Interprétée d’abord par son auteur dans le mode algérois chaābî combinant rythme simple mais entraînant et une expression mélodique grave rappelant le chant liturgique traditionnel, cette chanson emprunte sa force d’attraction à ses sincérité et authenticité.
Dahmani qui l’a d’abord sortie en France y met la quintessence de son expérience d’immigré algérien qui, comme ses frères maghrébins venus à l’époque offrir la force de leurs bras pour l’édification de l’économie de l’ancien colonisateur, a connu la solitude du travailleur étranger, l’amer éloignement des siens et l’insupportable mal du pays.
Y’a Arraieh chante la désillusion et la déconvenue qu’éprouve sur place celui venu chercher l’Eldorado loin de sa terre natale. Mais la chanson, reprise et interprétée dans nombreux langues et pays va encore plus loin qu’elle ne dit de prime abord à son auditeur. Bien plus que la complainte d’un immigré, comme on en a fait tant, la chanson de Dahmane El Harrachi évoque plus profondément l’errance de l’homme sur terre à la recherche de son idéal. Un idéal qu’il ne retrouve jamais, nulle part. Mais ce voyageur doit continuer sa pérégrination, infatigable et déterminé même en sachant que c’est le mirage qui l’attend et que c’est le désenchantement qui sera au bout du voyage.
Reprise en 1997 par le rockeur algérien Rachid Tahya, cette chanson qui prend celui qui l’écoute au tripes, a connu un nouveau départ et une nouvelle carrière mondiale. La version que nous vous offrons est due au musicien interprète Enrico Macias, d’origine algérienne lui aussi et cheikh(maître)de la musique classique andalouse, le Malouf. C’est donc un cheikh du Malouf interprétant une œuvre d’un cheikh du chaābi. Un pur moment de vérité mise en musique à écouter sans modération.
يا الرايح
يا الرايح وين مسافر تروح تعيا و تولّي
شحال ندموا العباد الغافلين قبلك و قبلي
شحال شفت البلدان العامرين و البر الخالي
شحال ضيعت وقات و شحال تصيد مازال تخلي
يا الغايب في بلاد الناس شحال تعيا ما تجري
بيك وعد القدرة ولا الزمان وانت ما تدري
Ô partant
Ô partant où pars-tu? Tu finiras par revenir
Combien de gens peu avisés l’ont regretté avant toi et moi
Combien de cités habitées et de terres désertes as-tu vus?
Combien de temps as-tu gaspillé et combien vas-tu en perdre encore?
Qu’abandonneras- tu, ô toi l’émigrant, tu ne cesses de courir dans le pays d’autrui, sais-tu vraiment ce qui se passe?
Le temps et le destin suivent leur chemin, mais toi tu ne peux le savoir.